Var-Matin (Grand Toulon)

L’organisate­ur Serge Pascal tire sa révérence P

Directeur technique et patron de la course depuis 2006, Serge Pascal a passé la main à Frédéric Maistre et au groupe Nice-Matin. L’épreuve a marqué sa vie et l’émotion l’a submergé.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE­R ROUX

Il a baissé son drapeau et lancé l’étape pour la dernière fois, moment intense où il aimait se sentir « seul au monde » . Il a prononcé d’ultimes discours la voix tiraillée par l’émotion. Hier soir, Serge Pascal a remis les clés du Tour - à Frédéric Maistre et au groupe Nice-Matin. Après vingt ans de bons et loyaux services, dans l’ombre du créateur de l’épreuve, Moïse Puginier, puis dans le costume du patron, le Flayoscais a marqué de son empreinte la course. Ces derniers jours, il a laissé gambader ses souvenirs.

Serge, après seize éditions à la tête de la course, vous passez la main. On imagine qu’il y a un petit pincement au coeur…

C’est dur. Je suis malheureux. Dès que j’en parle, l’émotion monte. C’est comme ça, c’est la fin. Je commence à avoir de la bouteille et je ne récupère plus pareil à  ans. J’ai quand même un club (l’OCCV Draguignan qu’il a créé en , Ndlr), je suis vice-président du comité départemen­tal du Var. J’organise aussi une vingtaine de courses amateurs et c’est lourd. Ma famille n’a pas toujours très très bien vécu ma passion pour le vélo (rire) .Situ vois ma femme, elle est contente que j’arrête. Comme mes deux enfants, elle me partagera un peu moins avec le cyclisme.

C’est une décision mûrement réfléchie, prise depuis plusieurs années, mais tout ça n’atténue pas l’émotion ?

Je n’avais pas trop envie d’arrêter brusquemen­t donc j’ai proposé à Nice-Matin de l’accompagne­r pendant trois ans. Beaucoup pensaient que je serais déjà émotif sur les e et e éditions, mais ça n’a pas été le cas. J’étais toujours là, avec Nice-Matin.

Là, par contre (ému)…

C’est de la folie.

Il y aura un manque…

Non, parce que je serai toujours impliqué dans mon club et dans le vélo. Même si ce n’est plus chez les pros. Je reviendrai sur le Tour comme invité.

Prendre la tête du Tour n’était pas écrit…

Ma première passion dans le vélo, c’est d’encadrer des jeunes, de jouer le directeur sportif. J’étais président de l’OCCV qui comptait alors  licenciés. Le club marchait bien, avait des résultats et on sortira d’ailleurs deux pros : Nicolas Roche et Aurélien Passeron. Et puis Moïse Puginier m’appelle pour lui succéder avant la e édition.

Et vous refusez…

On va manger à Fayence, à l’aérodrome. Il me dit qu’il arrête et qu’il ne voit que moi pour reprendre. Je réponds qu’il est devenu fou. Je n’ai jamais organisé une telle épreuve, seulement des courses sur des circuits de deux bornes pour ne pas me prendre la tête. Sur le haut Var, j’étais responsabl­e des signaleurs depuis cinq ans. On se retrouvait pour casser la croûte et ce n’était pas les mêmes responsabi­lités qu’aujourd’hui. Il me dit : « OK, si tu n’en es pas capable, on en reste là. »

Mais il vous rappelle… C’était le lendemain ou deux jours après. Avec son accent, il me propose l’aide de ses équipes. Je réfléchis puis je retourne le voir et lui dis : « J’y vais et jusqu’au quarantièm­e anniversai­re. » Mais je me suis pris au jeu.

Parlez-nous de votre relation avec Moïse Puginier…

C’est un monument du vélo. Il m’a pris sous son aile pendant trois ans avant de me passer la main pour de bon. Il m’a façonné dans le vélo pro, m’a fait connaître JeanMarie Leblanc (patron du Tour de  à ) et toutes les arcanes. Il m’a emmené à des réunions avec les organisate­urs du Tour ou de la Vuelta. Il faisait ce qu’il voulait. Je n’ai été qu’un bon cycliste amateur. Le vélo, si tu ne nais pas dedans, c’est très difficile.

En , le Tour se transforme. La classique devient course à étapes… J’ai galéré pendant deux ans pour passer à deux jours de course. J’avais un avis défavorabl­e de tout le monde. Je me suis battu contre la Ligue et la Fédération. Le haut Var, pour elles, c’était une classique. Ils m’avaient proposé de faire des courses individuel­les sur deux jours, comme la Sud Ardèche. Mais, financière­ment, tu t’en sors mieux avec une course à étapes. Sur les conseils de Moïse, j’ai appelé l’UCI qui m’a donné le feu vert.

Vous étiez un peu rebelle ? Je n’acceptais pas les règles qu’on m’imposait. J’étais resté dans celles du cyclisme amateur où tu fais un peu ce que tu veux. Beaucoup m’ont tourné le dos, puis se sont rendu compte que c’était la bonne décision.

En , le Tour s’achève à Flayosc, votre village de naissance. Un pari fou…

J’ai mûri cette arrivée sur trois-quatre ans. Je voulais prendre du recul après le

e anniversai­re, mon dernier Tour sans NiceMatin. Financière­ment, Flayosc ne pouvait pas supporter une telle arrivée. Des gens m’ont écouté, aimé et aidé. Je pense à Olivier Audibert-Troin et Fabien Matras, ancien député et maire de Flayosc. On a réussi à le faire et ça a été une grande fête. Les sentiments sont très différents par rapport à ce que je vis là avec mon départ. J’ai ressenti de la fierté mais pas d’émotion particuliè­re. Là, je suis très très mal, même si je sais que le bébé est entre de bonnes mains. Fred (Maistre) est un bon mec, je lui fais confiance.

Quel vainqueur vous a le plus marqué ?

C’est Raymond Poulidor. Plus que le vainqueur, je retiens le parrain qu’il a été pour la course. C’est Moïse qui m’avait dit de le contacter pour qu’il le soit. Normalemen­t, ça te coûte de l’argent mais lui n’a rien demandé. Il y avait un tel engouement autour de lui. On s’arrêtait dans tous les villages et c’était la fête. J’appelais ça les arrêts Poulidor. Les maires lui remettaien­t des médailles, mais ça ne l’intéressai­t pas. Ensuite, c’étaient des bouteilles de vin et il repartait le coffre plein. Comme promis, il est resté parrain à vie.

Avec quel coureur le courant n’est-il pas passé ? Je n’avais pas accroché avec Thomas Voeckler. Les choses ont changé, on est devenus potes, mais on s’était heurtés. Thomas était particulie­r quand il était coureur, il n’arrivait jamais à l’heure et faisait stresser l’organisate­ur de course que j’étais (rire). Il gagne le haut Var (en ) et revient l’année d’après. Dans mon règlement intérieur, j’inscris que le vainqueur sortant dispute la première étape avec le maillot jaune l’année d’après. Toutes les autres équipes avaient accepté mais je sens une réticence dans la sienne. On donne le départ et il n’a pas le maillot.

Que faites-vous ?

Que veux-tu faire une fois la course lancée ? On passait à la Bastide de Tourtour, un partenaire et un hôtel cinq étoiles. On avait mis un grand prix de la montagne à proximité et j’avais mis en jeu un séjour pour deux personnes. Il revenait à celui qui passait le premier. Voeckler s’échappe et passe en tête. Il savait que j’avais ce lot à lui remettre mais je ne l’ai pas fait. Il n’avait pas respecté le règlement et j’ai fait de même. J’ai rendu le séjour à la Bastide. Après ça, on se disait seulement bonjour-bonsoir et je l’appréciais alors sans plus. Et puis sur la fin, avec tous les numéros qu’il a pu faire, je me suis rendu compte que c’était un grand coureur.

Avez-vous eu peur que la course s’arrête, il y a deux ans, quand la sécurité a été remise en cause après de nombreuses chutes dans le Tanneron ?

Pas du tout. Cet épisode ne m’a pas marqué. C’était juste un moment difficile qu’il fallait surmonter. J’avais fait mon travail et j’avais avisé tout le monde. Je fais du vélo depuis l’âge de  ans et je savais que le Tanneron, quand c’est humide, c’est glissant. Les coureurs avaient pris tous les risques.

‘‘ Quand Moïse me demande de lui succéder ? Je lui réponds qu’il est fou”

L’anecdote que vous n’avez jamais racontée ?

Je regrette d’avoir voulu un direct TV pendant six ans. Moïse m’avait pourtant dit que ça ne servait à rien. J’ai été têtu, je voulais faire grandir la course, mais je me suis mis dans le rouge.

J’ai eu très peur et j’ai cru que j’allais foutre en l’air le haut Var. Il a fallu que je rembourse une dette importante. Je n’ai plus vécu pendant quatre ans, je n’étais pas bien. Je me suis saigné mais le haut Var a survécu. Je pensais que la télé allait m’emmener de nouveaux partenaire­s, des investisse­urs parisiens, mais je me suis cassé la gueule. Je pars aujourd’hui la tête haute. L’événement est bénéficiai­re.

‘‘ Avec Voeckler, au départ, je n’avais pas accroché”

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 ?? (Photo Clément Tiberghien) ?? Serge Pascal : « Je préférerai­s mourir que de voir la course disparaîtr­e. J’y suis tellement attaché. »
(Photo Clément Tiberghien) Serge Pascal : « Je préférerai­s mourir que de voir la course disparaîtr­e. J’y suis tellement attaché. »
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