« J’avais dix ans. C’était le temps de la guerre » mémoires du chaos de Michel Camail
Si ses jambes lui jouent quelquefois de mauvais tours, sa mémoire est intacte. À 91 ans, Michel Camail a mis le confinement à profit pour coucher sur le papier “sa guerre”, celle d’un tout jeune adolescent. Il en a remis une copie à la bibliothèque de La Crau. « J’avais dix ans. C’était le temps de la guerre ». Ainsi commence le récit de Michel qui vit alors à Toulon avec sa mère. La défaite de juin 1940 va vite le mettre au parfum des restrictions : ses friandises et ses BD préférées disparaissent, les tickets de rationnement deviennent la norme. La vie s’écoule malgré tout. Jusqu’à ce jour de 1942 à l’aube, où il est réveillé par de fortes explosions. « L’air empuantissait le mazout et les détonations se faisaient de plus en plus violentes ».
« Foutez le camp, les Allemands arrivent ! »
Il voit des marins courir dans tous les sens, l’air paniqué. L’un d’eux avertit : « La flotte se saborde, foutez le camp, les Allemands arrivent ». C’était le 27 novembre. Tiraillée entre deux camps, la flotte française se suicide plutôt que de tomber aux mains d’Hitler qui la convoite. La zone libre est envahie. Michel voit alors les sinistres croix gammées et son adolescence est rythmée par le bruit des bottes de l’occupant. Leur présence et les travaux qu’ils effectuent entraînent à partir de 1943 une série de bombardements dont la ville est la cible. C’est l’époque des maisons éventrées, des ruines recouvrant les victimes puis la faim qui le saisit. Sa grand-mère les enjoint de se réfugier chez elle à Carcès. Là, la vie se montre plus clémente. Michel découvre les travaux de la campagne. Mais la guerre n’est pas loin. Un jour, on les contraint à loger des troupes de passage. Un autre, les Allemands menacent de fusiller les habitants après qu’un soldat eût été abattu. Et puis, à la mi-août 1944, il rejoint son père dans une campagne près de Trans. À Draguignan, les Allemands sont en ébullition. Le lendemain matin sur la terrasse, il voit arriver deux parachutistes américains, le visage marqué de suie. Le débarquement de Provence est un succès. La guerre n’est pas terminée pour autant. Peu de temps après, Michel et sa mère rentrent à Toulon et trouvent leur maison fortement endommagée par les bombes. 76 ans après, Michel confesse : « J’ai honte de l’avouer, mais cette période qui fut néfaste et souvent tragique pour certains de mes concitoyens a été pour moi la plus attrayante de ma vie. L’inconscience de mon âge, la soif d’aventures, m’ont permis de traverser cette époque sans me rendre compte du danger permanent. »