CONTRACEPTION MISE À MÂLE
Le Niçois Guillaume Levil a réalisé un documentaire dans lequel il suit le parcours contraceptif de trois hommes face à un entourage parfois dubitatif. Avec finesse et humour.
Il a un petit air malicieux. Cultive les drôles de pirouettes. Au policier qui vient de lui remonter les bretelles parce qu’il ne portait pas son masque comme il faut, Guillaume Levil avance un besoin impétueux de se gratter le nez. Ça passe, avec le sourire. L’humour est son arme. Et il en a logiquement parsemé le documentaire Le problème du pantalon ,à zieuter en ligne, sur le site de France 3 Centre-Val de Loire jusqu’au 15 octobre. « J’ai réalisé un film volontairement lumineux, sans prise de tête. Parce que le but, c’est de désacraliser un sujet un peu tabou. » Durant cinquante-deux minutes, le jeune Niçois évoque la contraception masculine. Pilule pour les hommes, donc ? « Elle n’existe pas ! Elle est en gestation depuis des années. Scientifiquement, il est possible d’en créer une... Mais ça n’intéresse pas. Personne ne veut mettre d’argent là-dedans. »
« Aussi l’affaire des mecs »
Guillaume Levil a suivi le parcours de trois trentenaires qui, pour différentes raisons, tiennent à se « contracepter ». C’est-à-dire, ne plus pouvoir procréer, et ce, que ce soit définitif comme avec la vasectomie, ou réversible grâce au slip chauffant ou aux piqûres d’hormones. Trois moyens plus ou moins connus, et plutôt moins que plus utilisés. Tout a commencé par une prise de conscience du réalisateur. Un soir où « une amie a pleuré sur mon épaule parce qu’elle devait subir un avortement. Je me suis dit que je n’aurai jamais ce problème parce que je n’avais pas d’utérus. Puis, j’ai commencé à réfléchir. À me dire que la contraception, ça doit aussi être l’affaire des mecs. Que cette responsabilité devrait être partagée. Moi, je suis un grand amoureux de la liberté. Et sur cette question de la maîtrise de la fécondité, on a un problème... »
Un court-métrage, Courir toute nue
dans l’univers, voit le jour. Avant de mûrir l’idée de ce premier documentaire – Guillaume étant plutôt branché fictions jusqu’ici. Au fil du tournage, le réalisateur s’aperçoit du tabou qui entoure la contraception masculine. « J’ai filmé deux hommes pendant plusieurs semaines qui n’ont finalement plus voulu continuer. Pour l’un d’eux, c’est son entourage qui ne souhaitait pas poursuivre. Et pour l’autre, la copine avait un sentiment de honte de ne pas endosser la contraception dans son couple. C’est là que j’ai touché du doigt l’ampleur du tabou. »
Se mettre en scène. Pour mener à bien son projet, Guillaume Levil n’a eu d’autre solution que de se créer un personnage. Sous le pseudo de William, il opte (vraiment) pour la méthode thermique et se fabrique – parce qu’aucun modèle n’est commercialisé – un sous-vêtement troué qui plaque les testicules dans le bas de l’abdomen. Ce qui augmente leur température et empêche ainsi la production de spermatozoïdes. Ce slip chauffant doit être porté quinze heures par jour, est « très
confortable et efficace » , jure son propriétaire, en le dégainant naturellement à la terrasse de café où on le rencontre, dans son quartier de La Libération. Sans pudeur. Sur le même registre, il cause de ses spermogrammes. Et de ses petits essais pour baisser le nombre d’heures à porter le dispositif.
Coudre une chaussette pour enfant sur un slip ....
« Au début, j’étais gêné de me fabriquer un slip chauffant. Quand tu couds une chaussette pour enfant sur un slip troué, tu te demandes un peu ce qu’est ta vie, non ? J’étais aussi mal à l’aise de le montrer. Puis je me suis aperçu qu’en le sortant, en en parlant avec mes amis, mes parents que l’on voit dans le documentaire, ça avait le don de faire au moins parler contraception, de s’interroger sur la responsabilité de chacun, d’ouvrir le champ des possibles. »
Dans Le problème du pantalon ,le réalisateur accompagne aussi la démarche de David, qui, après avoir accompagné à leur IVG cinq de ses compagnes, a décidé de s’y mettre,
la méthode hormonale. Quentin, lui, est dans une approche plus militante et refuse catégoriquement d’élever des enfants dans un monde en piteux état. Ce sera la vasectomie – ligature des canaux qui véhiculent les spermatozoïdes, ce qui n’empêche en rien l’éjaculation (au cas où la question affleurait). Ces trois trentenaires tâtonnent, découvrent. On se marre clairement quand William annonce sa démarche à ses parents ou quand les collégiens niçois parlent avec leur ton libre de « cojones », « candides mais parfois plus lucides que nous. »
C’est auprès des jeunes que Guillaume aimerait surtout montrer son film, dans les plannings familiaux et les lycées, afin de lancer un
dialogue. « Je ne dis surtout pas qu’il faut déresponsabiliser les filles... Mais si on ne se pose pas les questions, si on ne sensibilise pas, on va rester immuable dans nos certitudes. »
« En parler permet de s’interroger, d’ouvrir le champ des possibles. »