Var-Matin (Grand Toulon)

La renaissanc­e du Panda

Ce yacht d’empereur, détruit dans les années 1980, ressuscite aujourd’hui sous les traits de Naema. Quel destin pour cette goélette, plus belle qu’au premier jour !

- BRUNO QUIVY

Toulon, Vietnam, Cannes, Grande-Bretagne, Antilles, Thorenc, Turquie, Pays-Bas, Saint-Tropez… L’histoire du voilier Naema se lit comme un roman d’aventures, et nous fait voyager à travers le monde, au fil d’épisodes rocamboles­ques ou la grande histoire côtoie la petite. Naema, c’est une superbe et grande goélette (deux mâts) qui, depuis six ans, navigue sur les mers du globe et principale­ment en Méditerran­ée. Elle trône fièrement avec sa superbe voilure à l’ancienne, son pont en acajou et ses 128 pieds (39 mètres) lors des régates qui réunissent les plus beaux yachts classiques du monde. Ce voilier récent est en fait la réplique d’un certain bateau nommé Panda, dessiné et construit en 1938 en Grande-Bretagne, à la demande d’un capitaine nommé John Duckworth Hodgson, sur les plans d’un architecte naval très réputé, Alfred Mylne. Un superbe esquif, dont le destin le plongea très vite dans l’histoire. En effet, en 1940, le Japon envahit l’Indochine, alors française. Le gouverneme­nt de Vichy, pour s’assurer les bonnes grâces du souverain d’Annam (le Vietnam d’aujourd’hui), rachète le voilier et l’offre à l’empereur d’Annam, Bao Dai. Souverain au règne très compliqué, Bao Dai était surtout réputé pour son train de vie luxueux et son goût des loisirs. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’un yacht lui soit destiné et le comble d’aise. D’ailleurs, Bao Dai, au temps de sa splendeur, prend plaisir à naviguer au large de Cannes, où il possède une superbe propriété, tout comme dans l’arrière-pays, à Thorenc.

Las, en 1954, après la défaite de Dien Bien Phu, les Français vont quitter l’Indochine, et Bao Dai partir en exil. La marine nationale récupère le bateau, l’empereur déchu voyant son train de vie se réduire aussi vite qu’une vague échouant sur la grève… Calé à Toulon, Panda ne grimpe plus les vagues, avant d’être revenu à Bill Bodle, un Américain, en 1979.

Sabordé en Floride

Cap sur les Caraïbes pour le bateau, deux tours du monde, puis, hélas, une fin tragique au large de Fort-de-France où l’embarcatio­n est sévèrement endommagée par un incendie survenu à bord. Sauvé des eaux, il est exfiltré en Floride où il sera définitive­ment sabordé (sans doute un souvenir de Toulon…), au grand plaisir des alligators locaux qui vont ainsi croquer un panda tout de bois conçu. C’est la fin de ce Bao Dai Panda, qui n’a pas eu la force d’un kung-fu Panda pour survivre ! Mais à la mer toujours tu survivras, et quelques années plus tard, un projet fou naît : reconstrui­re un yacht à l’identique. Le nouveau Panda est érigé dans des chantiers navals en Turquie et aux Pays-Bas (où l’on réalise la coque en acier), s’appelle d’abord Noelani pour devenir Naema. Depuis, Naema, qui a tout d’un panda, court les régates les plus belles et on l’a vu notamment ces dernières années aux Régates royales de Cannes, à la Classic Week de Monaco et aux Voiles de Saint-Tropez. Immatricul­é aux îles Caïman, il est décidément poursuivi par son destin animalier… Pourtant, Naema, en arabe, signifie doux ou délice. Finalement, un yacht au savoureux destin… si les crocodiles ne le mangent pas !

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(Photos DR/Voiles de Saint-Tropez, Carlo Borlenghi, Rolex) La magnifique goélette court régulièrem­ent les plus belles régates, notamment sur la Côte d’Azur, ou à Capri (en bas à gauche).
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