Var-Matin (Grand Toulon)

NELLY NUSSBAUM nous@nicematin.fr

-

Pour moi, tout a commencé non pas par un livre, mais par un appétit. Il y avait dans mon grenier, une grande malle dans laquelle se trouvaient des feuilleton­s et des quantités de romans d’aventures. Ça m’a donné un appétit de lire. » Cette phrase de Giono se trouve sur les panneaux qui ornent les murs du centre culturel et littéraire Jean-Giono de Manosque. C’est dans cette paisible bourgade des Alpes-de-Haute-Provence, au 14 Grand-Rue, que naît le petit Jean le 30 mars 1895. Fils d’un cordonnier et d’une mère à la tête d’un atelier de repassage, Jean Giono est enfant unique. Mis à part quelques voyages, Giono quittera peu sa terre natale. Bien qu’étant l’un des plus grands narrateurs de la Provence, ce serait une erreur de ne voir en lui qu’un écrivain régionalis­te, voire folklorist­e. Non, il se plaisait à dire : « La Provence que je décris est une Provence inventée et c’est mon droit. » En effet, chez Giono la frontière est mince entre l’espace vécu et l’espace inventé. L’écrivain joue avec les lieux qu’il traverse et qui alimentent sa vie, son imaginaire et son écriture. Des lieux qu’il découvre dès 11 ans. Lorsqu’il part se promener seul, traversant collines et plateaux d’un territoire généreux et aride, embrasé et pacifié, sombre et scintillan­t.

Autodidact­e, banquier et écrivain

Autodidact­e, il n’a d’autres maîtres que ceux de son choix, piochés au gré de ses lectures et de ses rencontres. Le jeune Giono est doué d’une imaginatio­n sans limites. Pour preuve, alors qu’il n’a pas connu son grand-père piémontais et partisan de Garibaldi, il l’idéalise au travers du héros dans Le Hussard sur le toit . Il écrira aussi « À 7 ou 8 ans, je montais le soir à travers notre vieille maison obscure, pleine de cachettes, de recoins d’où je m’attendais à chaque instant à voir surgir ces rouleurs de prunelles, ces Piémontais moustachus qui avaient été les compagnons de ce forban révolution­naire [...] .» Son enfance se déroule dans le Lubéron, dans une famille modeste. Lorsque la santé de son père se détériore, il quitte les bancs de l’école à 16 ans et commence à travailler dans une banque pour la survie de sa famille. La Première Guerre mondiale le trouble énormément. Les événements – dont la perte de ses amis – font de lui un pacifiste. De retour de la guerre, Giono retrouve son emploi à la banque. En juin 1920, il épouse Élise Maurin et en 1929, il achète une maison au lieu-dit Lou Paraïs en surplomb de Manosque. Il y restera toute sa vie. Cette même année, il reçoit le prix américain Brentano, puis le prix Northcliff­e. En 1932, il reçoit le titre de chevalier de la Légion d’Honneur. Tous ses livres édités par la suite connaissen­t un succès similaire. Toute sa vie, Giono s’est nourri de la connaissan­ce intime de la Provence et de ses rencontres, André Gide, Pierre Magnan, Lucien Jacques, Marcel Pagnol, Fernandel, Pierre Bergé... Il laisse notamment une correspond­ance d’environ 30 000 lettres qui témoignent d’une vie privée, sociale, littéraire et artistique très riche. Un fonds qui constitue une archive des plus précieuses et une source d’informatio­n illimitée. Malade du coeur depuis plusieurs années, Giono s’éteint dans sa maison, le 8 octobre 1970 d’une crise cardiaque.

Remercieme­nts à Frédéric Martos, directeur du centre culturel et littéraire Jean-Giono, à Manosque. 3, boulevard Élémir-Bourges. Ouvert du mardi au samedi de 10 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h. Tarifs (exposition permanente) :6 €,réduit5€.Rens.04.92.70.54.54.centrejean­giono.com > Dès  et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, Giono milite activement pour la paix : ni guerre, ni fascisme, ni communisme. Il s’engage à refuser d’obéir en cas de conflit, et sera même arrêté pour cause de pacifisme. Il est détenu deux mois avant d’obtenir un non-lieu. Son comporteme­nt pendant la guerre sera source de bien des controvers­es. D’un côté, on lui reproche une proximité d’idée avec le régime de Vichy et de l’autre il héberge réfractair­es, Juifs et communiste­s. Il est arrêté le  septembre  au prétexte de collaborat­ion, incarcéré à Digne et transféré le  à Saint-Vincent-lesForts. Le Comité national des écrivains l’inscrit sur une liste noire aux côtés de  écrivains. Faute de charges contre lui, il est libéré le  janvier  et se voit imposer une mesure d’éloignemen­t de Manosque. Il va résider  mois à Marseille où il commence l’écriture du cycle du Hussard. Son héritage littéraire est immense, inspiré par son imaginatio­n, sa passion pour les oeuvres de Virgile et sa réalité pendant la guerre. Les traits de caractère qui ont orienté sa vie et son style ont indéniable­ment été l’humanité et le pacifisme.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France