Var-Matin (Grand Toulon)

Sites de ponte : « Il nous faut intervenir le moins possible »

Laisser faire Dame nature ! C’est ce que prône l’experte Sidonie Catteau qui, aidée de nombreux intervenan­ts, veille sur les deux sites de ponte de tortues marines dans la commune

- PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS PASCAL npascal@varmatin.com

‘‘ Les oeufs auraient été fécondés. Mais le développem­ent embryonnai­re peut s’arrêter à n’importe quel stade”

Événement extraordin­aire. Aussi rare que poétique. Une première ponte de tortue caouanne a eu lieu dans la nuit du 10 au 11 juillet, vers 1 heure du matin, dans le sable de Fréjus-Plage, aux Sablettes. Suivi d’un second, le 12 juillet au petit matin, plage des Esclamande­s à Saint-Aygulf. Ce double petit miracle fait écho à celui de la fin d’été 2016, où une autre tortue marine, également du genre caretta caretta, avait fini par donner naissance à quatre petits rejetons. Un mois après les deux agréables surprises, que savons-nous de plus, et à quoi faut-il s’attendre, cette fois ? Sidonie Catteau, chef de projet tortue marine à l’associatio­n Marineland, également experte du Réseau tortues marines de Méditerran­ée française (RTMMF), est venue, hier aprèsmidi, réaliser quelques mesures, dont un relevé de températur­e dans le sable. Grâce à la surveillan­ce de nombreux intervenan­ts, coordonnés par l’observatoi­re marin de la Cavem (lire cidessous), la scientifiq­ue veille à ce que tout se passe pour le mieux et en réfère aux autres experts en la matière.

Sait-on aujourd’hui combien d’oeufs sont dans le sable, sur ces deux sites ? Non, il n’y a pas de moyen de le savoir. On a observé le haut du nid, on a localisé l’endroit et remis le sable dessus. Maintenant, c’est Dame nature qui va faire tout le reste. L’idée est d’intervenir le moins possible pour voir si ces nouveaux sites choisis par les tortues marines rassemblen­t les conditions environnem­entales favorables au développem­ent embryonnai­re ou non.

Quel est votre rôle ? Je suis ici un peu les yeux du grand réseau français des tortues marines, et j’en réfère au groupe d’expert qui lui, ensuite, prend les décisions nécessaire­s. Comme la tortue caouanne est une espèce protégée, toutes les interventi­ons sont très cadrées et réglementé­es.

À combien d’oeufs peut-on s’attendre ? Ce que l’on sait, c’est qu’en général, une caouanne peut déposer entre  et  oeufs en moyenne. Mais finalement peu importe, laissons faire les choses et nous verrons bien. Toutefois je peux comprendre cette impatience !

La présence d’un oeuf est-il synonyme de future éclosion ? On a une indication comme quoi les oeufs auraient été fécondés. En revanche, le développem­ent embryonnai­re peut s’arrêter à n’importe quel stade. En , très peu d’oeufs étaient arrivés au bout de l’incubation : c’est notamment lié aux conditions environnem­entales – on était en toute fin d’été, avec des températur­es basses, qui ont rallongé la période d’incubation.

Mais cette fois, les pontes ont eu lieu plus tôt dans l’été, est-ce donc plus favorable ? On peut le penser, oui. On a des températur­es caniculair­es. On vient encore là de relever ,°C dans le sable, à  centimètre­s de profondeur près du site de ponte des Sablettes. C’est bien ! On est à une températur­e tout à fait convenable pour les embryons.

La températur­e joue un rôle important, donc ? Oui. Mais elle varie selon le moment de la journée, c’est important de la surveiller. Sur le site des Sablettes ont été mis en place des enregistre­urs pour un relevé en continu.

Avec une incubation probableme­nt plus courte grâce aux chaleurs, quand peut-on prévoir les éclosions ? L’impact de températur­es élevées sur la période d’incubation est fort probable... Normalemen­t, l’incubation va de  à  jours. C’est difficile de donner une date précise, mais disons entre les derniers jours d’août et la miseptembr­e.

Lequel des deux sites semble le plus favorable à une large éclosion de bébés tortues ? Difficile à dire ! Je ne saurais

avancer une réponse. Celui de Fréjus-Plage est quand même plus proche de la mer...

Est-ce une mauvaise chose ? Disons que le site est un peu plus exposé aux vagues. Il y a quelques jours, elles ont recouvert le nid pendant un temps... Des oeufs “noyés” et la chambre incubatric­e inondée serait un bien mauvais coup du sort ! Mais bon si la tortue a choisi cet endroit précis, faisonslui confiance.

Quand saura-t-on que les bébés tortues émergent ? On n’a pas d’autre moyen que d’attendre de voir, à la surface, le sable bouger et les premiers bébés apparaître. Entre la première éclosion et l’ascension du nid, jusqu’à la surface, il peut se passer entre deux et quatre jours. Il y a tout un mouvement... Il faut imaginer un nid en forme de poire. La première tortue, avec sa “dent” d’éclosion sur le bec, va ouvrir la membrane de l’oeuf et amorcer son éclosion. Mais elles vont « s’attendre », car un bébé tortue tout seul ne peut pas monter à la surface du sable.

De quelle façon allez-vous organiser la course vers la mer des futurs bébés ? Le groupe d’expert n’a, pour le moment, pas encore mis en place de protocole pour organiser cela. Une décision sera prise à la fin du mois. Rien ne serait possible sans le concours de nombreux partenaire­s, on a désormais un peu plus l’expérience de ce genre d’événement : le Conservato­ire du littoral, la Cavem, les agents de l’OFB (Office français de la biodiversi­té), la ville de Fréjus, le RTMMF, etc.

Entre l’émergence à la surface des premiers bébés et leur course vers la mer, il n’y aura que quelques heures...

 ?? (Photos Sophie Louvet) ?? Selon l’experte Sidonie Catteau, on peut s’attendre à une éclosion des oeufs entre les derniers jours du mois d’août et la mi-septembre.
(Photos Sophie Louvet) Selon l’experte Sidonie Catteau, on peut s’attendre à une éclosion des oeufs entre les derniers jours du mois d’août et la mi-septembre.

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