Les fleuristes économiquement affaiblis
Après deux mois d’inactivité, la profession redémarre mais est économiquement affaiblie. À Draguignan comme ailleurs, les commerçants le savent : la pente sera difficile à remonter
Àl’entrée de la boutique, placé bien en vue à côté d’un flacon de gel hydroalcoolique, le message est clair, obligeant au port du masque et au respect de la distanciation sociale. À l’intérieur, le visage masqué, les gérants du Jardin des fleurs, Corinne et Didier Ballester, accompagnés de leur collaboratrice Jessica, accueillent les clients avec une joie retrouvée. Et ce, après deux mois de mise à l’arrêt forcée. « Durant le confinement, il y a eu très peu de demandes de livraison », constate Didier Ballester. Et la perte financière encaissée s’avère considérable. « Nous avons perdu près de 160 000 euros sur l’ensemble de nos trois magasins, à Draguignan et Sainte-Maxime. »
« Les mariages sont notre plus grosse perte »
Le gérant peut-il espérer des jours meilleurs avec la reprise ? Sa réponse est mitigée : « La première semaine de réouverture a été satisfaisante. Nous avons réalisé de belles ventes. Cette semaine a été un peu plus calme. Et l’annulation des mariages n’arrange pas la situation. Cela me coûte 25 % de mon chiffre d’affaires chaque semaine. Là est notre plus grosse perte. Sans compter tous les événements festifs qui n’auront pas lieu et pour lesquels nous étions souvent sollicités. » Dans ces conditions, Didier et ses équipes attendent beaucoup de la fête des mères, qui approche à grands pas. « C’est notre plus gros rendez-vous annuel. Nous réalisons un mois de chiffre en quatre jours. » Cela sera-t-il encore le cas cette année ? Le Dracénois n’a aucune certitude : « Il y a forcément une part d’inconnu. Mais nous allons effectuer les ventes à l’extérieur, en faisant respecter les gestes barrières. » Les commandes en ligne et le drive seront également privilégiés, « avec des remises à la clé ». Installé à Draguignan depuis un an et demi, André Marceaux, responsable de l’enseigne Décoquelicots, était sur le point de déménager lorsque les mesures de confinement ont été prises. Freiné dans son élan, l’homme a pu prendre, depuis le 11 mai, ce nouveau départ qu’il attendait tant. Mais qu’il n’imaginait pas démarrer ainsi.
« Certains fournisseurs flambent les prix »
« J’ai perdu plus de 10 000 euros ,regrette-t-il, et j’y ai laissé la moitié de ma marchandise. Quant à l’approvisionnement, les prix se sont envolés, je me retrouve parfois à payer le double du prix habituel. » Et la reprise n’est pas porteuse d’espoir… «Çaadumalàrepartir, mais je suis persuadé que l’activité redécollera vraiment quand les bars et restaurants alentour rouvriront et draineront du monde. » Du côté de la jardinerie Peyre espace floral, la gérante Brigitte Feraud l’avoue : « 90 % de mon chiffre d’affaires y est passé. Au départ, j’étais complètement assommée, désespérée. Mais au bout de trois semaines de confinement, les clients ont recommencé à revenir vers nous et à nous passer commande. » Depuis, doucement mais sûrement, la Dracénoise sort la tête de l’eau et se réjouit même de l’arrivée d’une nouvelle clientèle. « Beaucoup découvrent l’existence de petits commerces à proximité de chez eux, et j’espère que ça continuera dans ce sens ! »
« L’aide de l’État est loin d’être suffisante »
Derrière la vitrine de sa boutique Rose-Rosine, la pétillante Jacqueline Nersessian garde elle aussi le sourire. Et pourtant, ce ne sont pas les soucis qui manquent… « J’avais fait un transfert d’appel sur mon portable pour garder le contact avec les clients. J’ai fait quelques livraisons, mais beaucoup moins que d’ordinaire, souligne-telle. J’ai fini par donner toutes mes fleurs à la clientèle et à l’Ehpad La pierre de la fée. » La gérante devant aujourd’hui faire face à une situation économique « dramatique ». « Certaines charges sont reportées, mais d’autres pas. J’ai contracté un prêt bancaire dont j’attends toujours le déblocage. Pour tenir le coup, parce que l’aide de l’État de 1 500 euros est loin d’être suffisante, j’ai fait des drives de muguet le 1er mai. Enfin, contrairement à d’autres commerces de proximité, nos marchandises sont périssables. Il m’a fallu préserver ce qui pouvait l’être. Et réinvestir en vue de la reprise. Heureusement, mes fournisseurs me font confiance et m’accordent des délais de paiement supplémentaires. » Mais en attendant de voir l’horizon s’éclaircir, à l’instar de ses confrères, Jacqueline s’arme de patience. « Nous n’avons pas d’autre choix… »