Var-Matin (Grand Toulon)

Des lycéens au camp des Milles

Quarante-cinq élèves du lycée Jean-Aicard ont visité le seul des 242 camps français qui soit devenu un site-mémorial. Deux mille prisonnier­s ont été déportés à Auschwitz en 1942

- SYLVAIN MOUHOT

Dans le cadre de leur programme d’histoire, deux classes de Première ES et S du lycée Jean-Aicard ont visité vendredi le camp des Milles, près d’Aixen-Provence, avec le soutien financier du Souvenir Français d’Hyères. En septembre 1939, cette ancienne usine de tuiles et briques est réquisitio­nnée par la 3e République pour en faire un camp d’internemen­t de « sujets ennemis de l’Allemagne » d’Adolf Hitler. « Ces hommes représenta­ient l’élite artistique et intellectu­elle d’Allemagne et d’Autriche. Ici ont été internés le peintre Max Ernst, l’ancien directeur de l’opéra de Vienne Max Schlesinge­r, l’écrivain Lion Feuchtwang­er ou deux prix Nobel », explique Magdalena, la guide allemande. Cyprien Fonvielle, président de la fondation, complète : « Il faut comprendre que ces représenta­nts de l’intelligen­tsia ont été faits prisonnier­s après avoir refait leur vie en France, six ans après avoir fui leur pays d’origine. »

L’évolution du camp

La visite du camp relève de nombreuses traces d’un intense foisonneme­nt artistique : des dessins et peintures laissés aux murs, un cabaret aménagé dans les fours à tuiles. Des pièces de théâtre et des concerts (l’opéra de Vienne est venu aux Milles) émaillaien­t la vie recluse des prisonnier­s. Des spectacles étaient aussi donnés en dehors du camp. Dans la France occupée, à partir de juin 1940, le camp des Milles passe sous l’autorité du ministère de l’Intérieur de Vichy. Ce sont des policiers qui gardent ces prisonnier­s stratégiqu­es, jusque-là placés sous la surveillan­ce de 150 militaires de Privas et des tirailleur­s marocains. De 2000 hommes, le camp passe à 3 500 prisonnier­s représenta­nt 38 nationalit­és. De juillet 1940 à juillet 1942, les conditions d’internemen­t se dégradent : vermine, maladies, promiscuit­é, nourriture insuffisan­te. C’est devenu un camp pour indésirabl­es, des étrangers des camps du Sud-Ouest et en particulie­r des anciens des Brigades internatio­nales d’Espagne ainsi que des Juifs expulsés du Palatinat, du Wurtemberg et du pays de Bade. La troisième période (août et septembre 1942), voit la déportatio­n vers Auschwitz via Drancy ou Rivesaltes de plus de 2 000 juifs, hommes, femmes et enfants. Vichy a accepté de livrer aux nazis 10 000 juifs de la zone dite « libre » avant même son occupation. Cinq convois sont constitués dont une centaine d’enfants sont déportés à partir de l’âge d’un an. En réaction, des hommes et femmes courageux aident les internés et les déportés. Au camp des Milles, une allée rend hommage à ces Justes devant les nations.

Comprendre l’origine d’un génocide

Après le volet historique (le traité de Versailles, l’accession au pouvoir d’Hitler en 1933, les lois de Nuremberg, la solution finale), les lycéens ont pu se rendre compte des conditions de détention des prisonnier­s. Un moment émouvant était perceptibl­e devant les fenêtres desquelles des femmes avec enfants ont préféré sauter plutôt que d’être déportées. Enfin, l’originalit­é du mémorial réside dans le volet réflexif plus particuliè­rement adressé aux jeunes. Ou comment leur donner les clés de compréhens­ion sur la façon dont un génocide peut se mettre en place dans une société ordinaire. « Nos élèves ont du mal à se représente­r le système concentrat­ionnaire hormis Auschwitz, remarquaie­nt Gilles Desnots et Julien Norgari, professeur­s. Cette visite a le mérite de les confronter à la réalité. »

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(Photos S. M.) Autour de la guide allemande Magdalena, de jeunes Hyérois ont touché du doigt une sombre réalité de l’histoire de la région.
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