Référendum : 92 blessés lors d’échauffourées
La police espagnole a fait usage de la force pour bloquer des bureaux de vote et saisir des urnes et du matériel électoral. Aucun résultat disponible hier soir
Le climat de très forte tension, la veille au soir, laissait craindre le pire. Et de fait, le référendum sur l’indépendance de la Catalogne, hier, interdit par le gouvernement espagnol, n’a pas échappé à l’irruption de la violence. La police espagnole a fait usage de la force pour empêcher des milliers de Catalans de voter, entraînant des heurts avec les partisans du scrutin qui ont fait 92 blessés, selon les services de santé régionaux, dont deux gravement – une victime d’un infarctus et une atteinte à l’oeil. Plus de 330 personnes auraient par ailleurs été incommodées par des gaz utilisés par les forces de l’ordre. De son côté, le ministère de l’Intérieur a annoncé que onze membres des forces de l’ordre avaient été blessés, certains ayant été visés par des jets de pierres.
Charge à coup de matraque
De Gérone à Figueras, des milliers de Catalans s’étaient massés dès l’aube pour faire barrage et protéger pacifiquement les installations de ce scrutin qui constitue, selon le quotidien El Pais ,le «plus grand défi» de l’Etat espagnol depuis la mort de Franco en 1975. Mais rapidement, les policiers anti-émeutes ont forcé plusieurs bureaux de vote pour saisir bulletins de vote et urnes. A Barcelone, selon des témoins, ils ont tiré des balles en caoutchouc puis chargé à coups de matraques contre des milliers de personnes qui étaient descendues dans la rue pour participer au scrutin. «Ils ont emporté six ou sept urnes [...]. Ils sont entrés en défonçant la porte. Nous étions à l’intérieur en chantant l’hymne catalan et nous entendions des coups très violents sur la porte», a raconté Marc Carrasco, chargé d’un bureau de vote dans cette ville. Quelque 2300 bureaux avaient été mis en place par l’exécutif régional, mais le gouvernement espagnol avait annoncé la veille avoir mis sous scellés 1 300 bureaux. En fin de matinée, le gouvernement catalan assurait toutefois que 73 % des bureaux restaient ouverts. Et des milliers de citoyens ont effectivement réussi à voter, comme en témoignaient les images des télévisions. Aucun résultat, même partiel, ni estimation n’était toutefois disponible hier soir.
« Personne ne peut me voler mon vote »
« Personne ne peut me voler mon vote et la satisfaction d’avoir voté, quoi qu’il arrive. J’ai même pleuré parce que cela fait des années que nous nous battons pour cela, et j’ai vu devant moi une femme de 90 ans qui votait en siège roulant », a raconté Pilar Lopez, 54 ans, dans le petit village de Llado. A l’inverse, dans le quartier barcelonais de Nou Barris, Enrique Calvo, un retraité de 67 ans originaire d’une région voisine, n’a pas voté, parce qu’il ne voulait pas donner de « légitimité» au scrutin: «C’est mal géré, tant par le gouvernement catalan que par le gouvernement central de Madrid.» Dans l’après-midi, le silence régnait à Barcelone, troublé ponctuellement par le vrombissement d’hélicoptères, des cris de manifestants et des sirènes de police. Des dizaines d’hommes et de femmes faisaient la queue pour voter. Signe du caractère exceptionnel de la situation dans un pays passionné de football, le Camp Nou du FC Barcelone n’a pas ouvert aux spectateurs en signe de protestation. Le club, « inquiet » par les heurts, a décidé de jouer à huis clos son match contre Las Palmas, la Ligue de football ayant refusé de reporter le match. Le président indépendantiste de l’exécutif catalan, Carles Puigdemont, a dénoncé la « violence injustifiée » dont a fait usage la police nationale. Luimême n’a pas pu voter comme prévu dans un centre sportif de sa ville de Gérone, car des policiers étant entrés de force pour saisir le matériel électoral; il est finalement allé dans un autre bureau proche de Gérone. La numéro deux du gouvernement espagnol Soraya Saenz de Santamaria et le préfet de Catalogne Enric Millo l’ont pressé de mettre fin à la « farce » du référendum, le rendant responsable des éventuelles violences qui en découleraient.