Baboulène, soleil brûlant dans la galerie Estades
Après deux ans de recherches, le galeriste toulonnais Michel Estades présente dans le centre ancien, jusqu’au 25 février, une très belle exposition-vente dédiée à ce maître de l’école provençale
« Vu d’ici, je ne sais pas si on se rend compte du succès que connaît Baboulène. À Paris et à Lyon, où je l’ai autrefois exposé, les collectionneurs se l’ar rachent. » Michel Estades a été frappé d’un coup de foudre pour Eugène Baboulène. Lorsque le minot de La Loubière, devenu marchand d’art, ouvre sa galerie éponyme, rue Seillon, «Boul habitait sur le port, juste là... » Trente ans plus tard, le coeur de “Stades” – comme le surnommait à son tour le maître de l’école toulonnaise – bat encore. Et quand on aime, on ne compte pas. Après deux années de recherches assidues, le Toulonnais présente aujourd’hui, jusqu’au 25 février prochain, une expositionvente exceptionnelle dans son cocon du centre ancien. « J’ai acheté, acheté et encore acheté aux quatre coins du monde, Japon, Suisse, en Europe..., murmure-t-il avec humilité. Voir tout ensemble, ça me fait drôle. »
« Toulon est bénie des dieux »
L’incursion culturelle ne se verra nulle part ailleurs. Selon le galeriste, aucun puits de lumière n’est trop beau pour Toulon le militaire, l’industriel... l’artistique. « Cet endroit est béni des dieux, poursuit le quinquagénaire à l’élégance naturelle. Il y a une véritable école de Toulon, beaucoup plus intimiste que celle de Marseille. D’abord Vincent Courdouan, François Nardi, José Mange ; puis Eugène Baboulène, Marie Astoin; enfin Jean Sardi, Jean-Pierre Maltese... Je suis né au bon endroit. » A son apogée, dans les années 60-70, l’ébullition bohème resquillait à travers le négoce de la vieille ville. Les bistrots badinaient, les verres enfilaient franches rigolades et disputes dans un gloubi-boulga folkorique. Une fresque du XXe siècle grossissant l’âme de Toulon la rascasse. « Les artistes ont bien fait la java ici, sourit le marchand d’art. Ils étaient attachants et avaient de fortes personnalités. Boul était un bon vivant, une figure locale, mais il n’était pas fou. Il entretenait d’ailleurs une saine concurrence avec Jacques Bartoli, dont il admirait beaucoup le style, mais qui n’avait aucune rigueur commerciale. Baboulène était chez la galerie Romanet, Bartoli chez Drouant. » L’art toulonnais battait le pavé, tandis que le ciel bleu s’écroulait délicieusement sur la Provence, libérait le « gris coloré » du « plus songeur des figuratifs ». Les temps ont changé, les coups de pinceaux se sont endurcis mais une dizaine de galeries, dont le Musée public de la photographie, résistent à la crise du marché, alors que se profile le nouveau quartier d’arts rue Pierre-Sémard. Dans l’acoustique ténue de son expo, Michel Estades déclame toujours l’inconditionnel. «J’aime Boul, il est Toulonnais comme moi, intimement attaché à une ville (une place porte son nom, Ndlr) que je veux sortir de l’ornière.On m’a même dit que ma galerie était trop belle pour la ville. Mais Toulon la mérite ! »