Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Les santons, conteurs de l’histoire provençale
Si, un peu avant Noël, chaque foyer français installe sa crèche, c’est grâce à des fidèles courageux qui se sont battus pour perpétuer une coutume née en Provence.
Si la crèche représente sans équivoque possible la Nativité, elle est avant tout pour les Provençaux, le témoignage d’une tradition qui se transmet de génération en génération. On ne peut dater avec certitude l’apparition de la crèche dans les foyers. Il semble cependant que la tradition soit apparue au XVIIIe siècle après l’établissement de la constitution civile du clergé le 12 juillet 1790. Trois ans plus tard, la Révolution faisait fermer les églises et en interdisait l’entrée aux fidèles. Cette interdiction n’a pas découragé les Provençaux qui, ayant l’habitude de voir une crèche s’installer à l’église à Noël, n’ont pas hésité à braver les interdits pour continuer la tradition, mais discrètement et à la maison. Il leur fallait être très prudent, car les contrevenants prenaient le risque d’être décapités.
Tout a débuté par de petits personnages
Dès le XIIIe siècle, comme l’avait instauré Saint-François d’Assise en 1223, à Noël, chaque village de Provence installait une crèche dans son église et demandait aux villageois de jouer le rôle de la Sainte Famille. Mais après la loi révolutionnaire, pour faire entrer les crèches dans les foyers, il a fallu revoir la logistique. Appelées « chapelles » par discrétion, elles étaient confectionnées avec ce que l’on avait sous la main, verre filé, mie de pain, bois ou papier mâché. Les personnages, appelés santons – santoun en provençal –, soit petits saints, étaient tous petits afin d’être facilement dissimilés. Mais, ces crèches étaient onéreuses et destinées aux notables.
Dès l’abrogation de la Constitution Civile en 1801, la crèche a pu reprendre sa place dans les églises. Mais le principe de la crèche dans les foyers était adopté. Et le santon est devenu coutumier...
Naissance du vrai santoum à Marseille
En 1775, le Marseillais, Jean-Louis Lagnel (1764-1822) constate que la terre humide de la campagne d’Aubagne, pouvait être façonnée à la main. Il venait de découvrir l’argile rouge de Provence.
Il eut alors l’idée de travailler cette terre pour en confectionner des santoum. Il les vendit aussitôt très peu chers. Devant le succès, il en fit d’autres et en réalisa les moulages… Le métier de santonnier venait de naître. Rapidement dans toute la Provence, se sont ouverts de petits ateliers qui fabriquent et vendent des figurines sur les foires et marchés. Mais, lorsque dans les années 1830, une famille d’origine italienne, les Santibelli, confectionne les premiers santons en plâtre, l’exubérance provençale profite de cette technique pour ajouter dans la crèche de nouveaux personnages en plus de ceux formellement religieux.
Avec le temps, les santons ont grandi, on les a peints et diversifiés. Auprès de Marie et Joseph, se sont ajoutés l’âne – l’ase – ,le boeuf – lou biou – et les personnages qui font la vie du village représenté dans leurs tâches quotidiennes ou exerçant leur métier avec leurs outils.
Au fur et à mesure l’éventail s’est enrichi et nos petits santoum se sont fixés dans la tradition. Au fil du temps, la crèche s’est créé une véritable identité provençale... Aujourd’hui encore, tous les Provençaux, même non-croyants, se plaisent à l’installer dans la maison à côté du sapin et veulent la conserver à tout prix !
‘‘
Une tradition qui a rapidement gagné toute la France”