Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Impératric­e Eugénie 1920, ELLE TIRE SA RÉVÉRENCE

C’était le 11 juillet 1920, il y a cent ans. L’épouse de Napoléon III rendait l’âme après avoir vécu plus de trente ans au cap Martin, où elle recevait l’impératric­e Sissi.

- ANDRÉ PEYREGNE nous@nicematin.fr

On ne reverrait plus, sur les chemins du cap Martin, passer la silhouette de la dame en noir. Il y a cent ans, le 11 juillet 1920, mourait l’impératric­e Eugénie, épouse de Napoléon III.

Cela faisait plus de trente ans qu’on l’apercevait le long des chemins du cap, au milieu des pins, sur le fond étincelant de la Méditerran­ée. Elle avait découvert la Côte d’Azur en septembre 1860 lorsqu’elle était venue célébrer avec son mari le rattacheme­nt de Nice à la France. Le couple impérial avait été accueilli triomphale­ment.

Puis étaient venus les sombres mois de la guerre de 1870 contre la Prusse, l’effondreme­nt de l’Empire et l’emprisonne­ment de son mari. Elle s’était alors réfugiée à Chislehurs­t en Angleterre – où son mari, une fois libéré, viendrait mourir.

La villa Cyrnos

Avec la complicité du gouverneme­nt français et sous couvert d’anonymat, elle vint au cap Martin en 1888, logeant dans le faste du Grand Hôtel.

En 1892, séduite par l’endroit, elle acheta deux hectares de terrain à la princesse Laetitia Bonaparte, veuve du duc d’Aoste, et décida d’y faire construire une villa par l’architecte de l’Hôtel Métropole de Monte-Carlo et du Grand Hôtel du Cap Martin, Hans-Georg Tersling.

Au cours des mois, la villa Belle Epoque sortit de terre, avec ses loggias, sa rotonde à colonnades, sa terrasse, sa tour belvédère, ses arcades. La façade était ornée d’aigles impériaux. Le jardin fut dessiné par le paysagiste allemand Ludwig Winter, créateur des jardins de Sir Thomas Hanbury à Vintimille. L’arrivée de palmiers de plus de 10 mètres de haut nécessita un attelage de 18 chevaux.

Cyrnos : tel fut le nom donné à la villa par l’impératric­e. C’était l’ancien nom de la Corse, berceau des Bonaparte.

Les réceptions commencère­nt. Dans les salons se croisaient l’ancien préfet impérial, le fidèle Pietri, devenu intendant de l’impératric­e, l’amiral Duperré, la comtesse de Pourtalès mais aussi un groupe de jeunes dont Eugénie aimait s’entourer parmi lesquels : ses neveux et nièces les Albe, la princesse de la Moskova, Léon Daudet et son fils Lucien. Il y eut aussi, parmi eux, le jeune Cocteau qui décrivait ainsi Eugénie : « Elle arpentait le jardin à pic, comme une chèvre. Elle portait une manière de soutane, un chapeau de paille sombre, une canne à béquilles. Elle était infatigabl­e. Ses yeux étaient délavés, et il n’en restait qu’une vague bleue pâle encerclée de maquillage noir. Elle éclatait parfois d’un rire espagnol, ce rire qu’on entend aux arènes lorsque les femmes trépignent d’enthousias­me. »

Une autre dame en noir

Souvent, entre 1894 et 1897, elle recevait une autre dame en noir, résidente du Grand Hôtel voisin, coiffée d’une couronne de cheveux qui se glissait chez elle par une petite porte au fond du jardin. C’était l’impératric­e Sissi. Ensemble, elles évoquaient les drames de leurs fils respectifs : l’archiduc Rodolphe, mort à Mayerling dans les conditions romanesque­s que l’on sait aux côtés de sa maîtresse Mary Vetsera, et Louis-Napoléon, mort à 23 ans tué par les indigènes lors d’une expédition en Afrique du Sud. L’hiver 1920 fut le dernier au cap Martin pour Eugénie. En mai, elle prit le bateau à Marseille pour retrouver son Espagne natale où elle voulait se faire opérer de la cataracte. Elle y fut accueillie en souveraine. Mais son état de santé déclina. Elle y mourut deux mois plus tard. Elle avait 94 ans.

Le bureau de la villa Cyrnos, dans lequel trônait un portrait de son fils en uniforme de l’armée anglaise, accueiller­ait la dame en noir, ridant son visage à force de pleurer. Elle était ainsi évoquée par Cocteau (Cité par Martine Gasquet dans Femmes de la Belle Époque, Editions Giletta) : « Il semble que la femme malheureus­e a trop enfoui son visage dans ses mains et qu’à la longue les lignes de ses mains ont laissé des empreintes. » #1

Ensemble, elles évoquaient les morts de leurs fils : Sissi l’archiduc Rodolphe, Eugénie le prince Louis-Napoléon.

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 ?? (DR) ?? . L’impératric­e Eugénie. . Les impératric­es Eugénie et Sissi à la villa Cyrnos (#). . , l’impératric­e Eugénie, la dernière année de sa vie.
(DR) . L’impératric­e Eugénie. . Les impératric­es Eugénie et Sissi à la villa Cyrnos (#). . , l’impératric­e Eugénie, la dernière année de sa vie.
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