Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
« Je prépare mon testament »
Mourad Boudjellal a présenté hier matin son programme pour accéder à la présidence de la LNR. S’il sait ses chances d’être élu très faibles, il n’en a pas moins des idées fortes
Le président du RCT est un homme intelligent. Il sait qu’il n’a quasiment aucune chance d’être élu le 4 octobre prochain à la présidence de la Ligue nationale de rugby. « J’ai plus de chance de gagner la primaire des Républicains, même sans être candidat, que d’être élu » plaisante-t-il à ce propos. Il faudrait déjà, d’ailleurs, qu’il intègre le comité directeur de la LNR, dont l’élection aura lieu quelques heures auparavant, le même jour. Ce qui est loin d’être évident... Mais Mourad Boudjellal se présente quand même face à Paul Goze, président sortant. Manque de lucidité? Folie des grandeurs? Non. Car plus que la fonction, ce candidat grande gueule, qui n’hésite pas à appeler son programme « La Ligue apaisée » (allusion au programme de Marine Le Pen, « La France apaisée », candidate du Front National à l’élection présidentielle de 2017), cherche avant tout à amener ses idées au sommet du rugby français.
« Si je remporte le débat d’idées, c’est déjà ça »
« Le jour où je quitterai le rugby, j’aimerais qu’on dise de moi que j’étais ce petit mec du Sud qui faisait rire avec ses idées, mais qui, au final, ne s’est peut-être pas trompé. Si je remporte le débat d’idées, c’est déjà ça» justifie-t-il. Armé d’une feuille blanche et d’un stylo, en quelques heures, il a donc pondu 24 mesures (lire encadré) ayant pour thème majeur la formation. En bon chef d’entreprise (sportive), Mourad Boudjellal s’appuie pour cela sur un élément qu’il maîtrise à la perfection, du moins beaucoup mieux, selon lui, que son adversaire : l’économie du sport. « Je veux mettre la formation au coeur du Top 14 pour, ainsi, apporter une solution économique à l’équipe de France. Tous ces mecs sérieux à la Ligue ne font que des conneries car ils ne maîtrisent pas cette notion. » Et pour permettre à l’équipe de France, un jour, de gagner la Coupe du monde, la première chose à faire selon le président du RCT est de supprimer purement et simplement les Jiff (joueurs issus des filières de formation) « Les Jiff sont à l’origine des déboires de l’équipe de France, précise-t-il. Il faut les remplacer par le principe de joueurs sélectionnables en équipe de France », en fonction de sa nationalité mais aussi de son âge, car il ne doit pas s’agir d’un joueur ayant pris sa retraite internationale. Les primes versées actuellement aux clubs respectant le quota des Jiffs (environ 6,6 millions d’euros) seront alors réparties selon le nombre de nouvelles sélections des joueurs formés au club. « On ne peut pas inculquer aujourd’hui aux gamins que si tu as des étrangers dans ton club, tu risques de perdre des points. C’est possible de mettre l’équipe de France au premier plan sans avoir recours à ce système. Je préfère qu’on soit dans le qualitatif plutôt que dans le quantitatif. »
La farce du salary cap
Logiquement, au fil de sa réflexion, Mourad Boudjellal a buté sur le salary cap .« Économiquement, le salary cap est une farce. Aujourd’hui, on assiste à une hausse des salaires, car certains clubs peuvent se permettre un déficit d’exploitation important. Ils peuvent perdre de l’argent sans se mettre en danger. » Pour éviter les effets pervers du salary cap tout en développant la formation, le président-candidat propose d’exempter du décompte de la masse salariale les joueurs formés au club. « Ainsi, on considère la formation comme un actif d’un club, et non plus un passif. » « Je prépare mon testament, poursuit-il. C’est une solution économique pour l’équipe de France. Mais j’aimerais aussi que le rugby retrouve ce rôle d’ascenseur social, que les jeunes aient envie de pratiquer ce sport. Je sais très bien que je n’ai aucune chance. C’est comme le combat Foreman - Ali. Pendant cinq rounds, Ali a encaissé des coups. Mais au huitième, il renverse la situation. J’aime bien cette image. Dans la vie, il faut savoir attendre. » Mourad Boudjellal qui prend son mal en patience... Tout un programme!
C’est comme le combat Foreman-Ali ”
1. Les clubs de Top 14 ont l’obligation d’aligner en moyenne 14 Jiff sur la feuille de match, une mesure que nombre d’entre eux contournent, mais passible de sanctions sportives (retrait de points) la saison prochaine.