Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Faux et escroquerie sur le dos du handisport varois
D’anciennes figures du handisport, médaillés olympiques, ont comparu pour leur gestion très personnelle de fonds publics censés financer les sportifs.
Prison avec sursis, 40 000 euros confisqués. Deux figures du handisport varois ont connu un lourd revers cet été, pour avoir confondu le budget de leur association avec leur portefeuille personnel.
Se déplaçant sur une sorte de siègescooter électrique, Thierry Garofalo manoeuvre jusqu’à la barre du tribunal de Toulon. De tempérament théâtral, l’ancien président du comité handisport du Var sait qu’il est le principal protagoniste et ne compte pas se défausser.
Mais d’abord, il envoie ses coups, impatient de révéler des pratiques en cours depuis des années. «Onest d’utilité publique et “ils” savaient qu’on avait besoin d’argent. Cela fait quarante ans que cela dure et c’était acquis. »
Thierry Garofalo vise ceux qui l’ont financé jadis, en connaissance de cause selon lui, les mêmes qui le dénoncent aujourd’hui.
Un signalement au procureur
Le conseil départemental du Var est effectivement en position de partie civile et s’insurge : « On entend beaucoup de choses à cette audience, mais à aucun moment je n’entends le mot “comptabilité” . Il n’y a pas d’acharnement, ou de volonté à viser qui que ce soit. Oui, des alertes ont été émises, c’est comme ça que fonctionne l’administration. »
C’est la collectivité varoise qui a fait un signalement au procureur sur la base de l’article 40. « Le sport est une mission de service public, poursuit le représentant du Département. On a soustrait des fonds publics et privés. Et cela fait mal au coeur pour les associations qui sont réglos. »
En audition Thierry Garofalo fut cash, déjà. « Vous avez dit : “Je reconnais que j’ai utilisé les comptes de l’association comme si c’étaient les miens” », retrace le président du tribunal correctionnel, Philippe Plantard.
Assidus aux jeux… au casino
Dans le détail, il y a d’abord des virements de plusieurs milliers d’euros sur des comptes extérieurs. Thierry Garofalo se justifie vaguement par « de l’argent prêté » qui devait être « rendu ». Puis arrivent les jeux.
« Vous et Madame G. [elle aussi comparaît] étiez assidus au casino, à des dates concomitantes avec d’importants retraits d’argent sur les comptes de l’association », sourcille le président.
« Une partie, je l’ai jouée. Pour 40… 50 000 euros, minimise-t-il. J’ai eu tort, j’ai pété les plombs. » Selon l’enquête, 120 000 euros auraient été joués.
« J’avais cru comprendre que dans la culture du sport de haut niveau, il existe des valeurs, s’irrite le procureur Antoine Barat. Dîner, hôtel, vêtements… Tant que ce n’est pas justifié comptablement, vous ne pouvez pas dire que cela rentre dans l’objet de l’association. »
C’est dans cette zone grise que Stéphane Messi doit se justifier. Il était le vice-président du comité olympique.
« Je vaux moins qu’un footballeur ? »
Champion paralympique, le sportif varois défend la nécessité de ses déplacements sportifs et se demande s’il « vaut moins qu’un footballeur ».
Des achats de foie gras ? « C’était au musée du foie gras à Agen. » Des parfums ? « Des cadeaux pour les relanceurs [partenaires de jeu, de haut niveau, pour les entraînements], qu’on paie en liquide. » Et pourquoi avoir manoeuvré pour obtenir une onéreuse BMW en leasing ? La défense de Stéphane Messi récuse l’idée de dépenses disproportionnées : « Toutes sont justifiées, dans un cadre professionnel et sportif », argumente Me Mohamed Mahali qui a fait ses comptes. Le leasing ne coûtait pas si cher «vu les déplacements fréquents et lointains pour les compétitions. »
« Ils ont ramené des médailles »
La défenseuse de Thierry Garofalo, qui fut lui aussi médaillé paralympique, plaide « la vie cabossée », « l’altération du discernement » , ce que l’expertise psychiatrique n’a pas établi. Me Sarah Hanffou conteste que l’argent joué au casino fut forcément celui de l’association, «il n’y a aucune corrélation ».
Elle rappelle le bilan sportif flatteur de son client. Lui président, «les sportifs ont ramené des médailles ».
Trois femmes ont été reconnues coupables de recel. L’un de leur défenseur, Me Nicolas Tabert a souligné « la bonne foi et l’ignorance de l’infraction principale ». Pour elles, les peines vont de 1 000 euros d’amende, à la confiscation d’une assurance vie de 22 500 euros. Deux ans avec sursis ont été prononcés pour abus de confiance et escroquerie, à l’encontre de Thierry Garofalo ; un an pour abus de confiance envers Stéphane Messi – plus des saisies bancaires. Les deux hommes ont une interdiction définitive d’exercer une fonction de dirigeant d’association.
Thierry Garofalo doit indemniser le conseil départemental du Var à hauteur de 19 500 euros.