Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Tollé après une « fiction » de « Valeurs actuelles »
Le « roman de l’été » de l’hebdomadaire dépeint une députée LFI, Danièle Obono, en esclave au XVIIIe siècle. La condamnation politique est unanime, jusqu’à Macron
Représentation « abjecte et inacceptable », « apologie du racisme » : la « politique-fiction » du magazine conservateur Valeurs actuelles sur la députée LFI Danièle Obono, dépeinte en esclave, a suscité hier une vague de condamnations jusqu’au président de la République. Dans ce récit de sept pages publié cette semaine, la députée de Paris, à la peau noire, « expérimente la responsabilité des Africains dans les horreurs de l’esclavage » au XVIIIe siècle, selon la présentation qu’en fait le magazine. Des dessins de Mme Obono, collier en fer au cou, accompagnent ce « roman de l’été ». Le chef de l’État Emmanuel Macron a appelé la députée en fin de matinée pour lui faire part de sa « condamnation claire de toute forme de racisme », a indiqué l’Élysée. Un peu plus tôt, le Premier ministre Jean Castex a également dénoncé sur Twitter une « publication révoltante [qui] appelle une condamnation sans ambiguïté », assurant partager « l’indignation de la députée » et l’assurant « du soutien de l’ensemble du gouvernement ». « La lutte contre le racisme transcendera, toujours, tous nos clivages », a ajouté le chef du gouvernement.
« Représentation humiliante et blessante »
« Le racisme est un mal nocif. Il détruit. Il est un délit », a aussi rappelé la ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai. « On est libre d’écrire un roman nauséabond, dans les limites fixées par la loi. On est libre aussi de le détester. Moi je le déteste et suis [aux] côtés » de la parlementaire, a écrit pour sa part le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. Le président de l’Assemblée Richard Ferrand (LREM) a de son côté critiqué une « ignoble représentation d’une parlementaire ». « Tout mon soutien personnel et celui de l’Assemblée nationale face à ces abjections », a-t-il tweeté, suivi par de nombreux députés de tous bords. Le tollé a touché tout l’échiquier politique : un responsable du Rassemblement national, Wallerand de SaintJust, a ainsi condamné sur Twitter la publication, « d’un mauvais goût absolu » : « Le combat politique ne justifie pas ce type de représentation humiliante et blessante d’une élue de la République. » Tandis que depuis Malo-les Bains, lors de la journée d’été du PCF, le n°1 du parti, Fabien Roussel, a épinglé un écrit « particulièrement scandaleux ». Réprouvant vivement un « cortège de haines, comme l’ont déjà expérimenté beaucoup de responsables politiques noirs ou d’origine maghrébine ces dernières années », l’association SOS Racisme a indiqué étudier « les suites judiciaires envisageables ». Et, dénonçant « une insulte à [ses] ancêtres, sa famille » et « à la République », la principale intéressée a dit hier soir sur
BFM TV « réfléchir » à porter plainte. Cette publication est selon elle «une souillure qui ne s’effacera pas », mais surtout « l’aboutissement d’un acharnement médiatique » contre elle. Dès vendredi, elle avait évoqué sur Twitter une « merde raciste dans un torchon ». « L’extrême droite, odieuse, bête et cruelle. Bref, égale à ellemême », avait-elle ajouté. Le leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon, s’était lui élevé contre un « harcèlement nauséabond » envers la députée.
« On s’excuse auprès d’elle »
Mais, a répondu le magazine d’opinion par le même canal, « il s’agit d’une fiction mettant en scène les horreurs de l’esclavage organisé par des Africains au XVIIIe siècle », « terrible vérité que les indigénistes ne veulent pas voir ». Sur BFM TV, Tugdual Denis, directeur adjoint de la rédaction de Valeurs actuelles, a fait amende honorable : «On comprend, avec la charge symbolique extrêmement violente de cette image, que Danièle Obono soit choquée. On s’excuse auprès d’elle à titre personnel. » « Si je l’avais en face de moi aujourd’hui, je lui dirais : “Pardon, je suis désolé de vous avoir blessée” », a-t-il ajouté, assurant que son journal n’était « pas raciste ». L’objectif était « de faire une fiction, certes complexe, certes tirée par les cheveux, peut-être mal venue, peut-être malaisante, mais jamais malveillante et jamais méchante », a-t-il affirmé.