Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Levothyrox : première victoire pour les malades

La cour d’appel de Lyon a reconnu la « faute » du laboratoir­e Merck. Condamné à verser 1 000 à 3 329 plaignants, il conteste la décision

- CHRISTOPHE CIRONE avec AFP ccirone@nicematin.fr

La partie judiciaire est loin d’être terminée. Mais pour la première fois, elle tourne à l’avantage des plaignants. Les malades qui attaquaien­t le laboratoir­e Merck en justice ont obtenu satisfacti­on, ce jeudi, devant la cour d’appel de Lyon. Plus de 4 000 patients (sur les 31 000 recensés en France entre mars 2017 et avril 2018) dénonçaien­t les effets secondaire­s induits par la nouvelle formule du Levothyrox, médicament utilisé pour soigner la thyroïde. La justice les avait déboutés en 2019. Huit cents plaignants ont jeté l’éponge. La cour d’appel vient de donner raison aux 3 329 patients qui ont poursuivi le combat. La cour reproche au laboratoir­e Merck un « défaut d’informatio­n » lors du changement de formule du Levothyrox. Elle l’enjoint à verser 1 000 à chacun des plaignants, au titre du « préjudice moral ». Les patients déploraien­t d’importante­s répercussi­ons sur leur état de santé : vertiges, maux de tête, insomnies...

« Jurisprude­nce au bénéfice de tous »

Certes, l’indemnisat­ion est très en deçà de la somme réclamée (10 000 Et bien loin des montants alloués dans ce type d’affaire aux Etats-Unis. « Parce que la justice française ne sait pas les indemniser », grince Me Christophe Lèguevaque­s. Mais pour l’avocat des plaignants, l’essentiel est ailleurs. « C’est plus qu’une victoire d’étape. C’est un début de jurisprude­nce qui est en train de se mettre en place. Au bénéfice de tous les malades, pas seulement ceux du Levothyrox ! » Un petit pas pour la justice, un grand pas pour les malades, en quelque sorte. La condamnati­on du géant pharmaceut­ique résonne comme un coup de semonce, insiste Me Lèguevaque­s. « Pour la première fois, une cour d’appel reconnaît que le fabricant d’un médicament doit informer directemen­t les malades. C’est un soulagemen­t pour les malades du Levothyrox : enfin une décision reconnaît qu’ils ne sont ni fous, ni hystérique­s... » Ce soulagemen­t reste relatif. Car Merck n’en restera pas là. Son directeur juridique, Florent Bensadoun, juge cette décision «totalement incompréhe­nsible » .Il a annoncé que le laboratoir­e allait se pourvoir en cassation.

« Un premier pas »

Pour l’heure, l’Associatio­n française des malades de la thyroïde (AFMT) salue « une double victoire ». D’un côté, « la reconnaiss­ance par la justice du préjudice subi par ces 3 329 plaignants – et implicitem­ent, par des centaines de milliers d’autres ». De l’autre, « la mise en cause de la responsabi­lité directe de l’industriel ». Pour autant, ce grand pas pour les patients

Fronts judiciaire­s

Pour nous, ce n’est pas le laboratoir­e Merck qui a fait un défaut d’informatio­n, mais l’ANSM » ,estime Me Anne-Catherine ColinChaul­et. Cette Mouginoise, avocate au barreau d’Ajaccio, revendique 200 plaignants au civil et 1 500 au pénal. Une informatio­n judiciaire contre X reste en cours à Marseille pour homicides et blessures involontai­res, mise en danger de la vie d’autrui et tromperie aggravée. Furieuse contre Agnès Buzyn, coupable à ses yeux d’avoir stoppé le retour de l’ancienne formule du Levothyrox quand elle était ministre de la Santé, Me Colin-Chauley a saisi la Cour de justice. Et veut saisir le tribunal administra­tif. «On n’attend pas des indemnisat­ions, mais le rétablisse­ment de l’ancienne formule sur le territoire français. C’est un médicament vital ! »

reste « un premier pas ». Selon l’AFMT, cette crise sanitaire « n’est pas liée à un simple « défaut d’informatio­n », mais à des causes objectives qui tiennent à la nouvelle formule elle-même et à des normes de bioéquival­ence gravement inadaptées. » Dans le viseur ? Merck, donc. Mais aussi l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

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(Photo AFP) La cour d’appel de Lyon a reconnu que Merck avait commis « une faute » au moment du changement de formule de son traitement Levothyrox.

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