Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Comment la campagne LREM a viré au cauchemar

L’exclusion symbolique de sept de ses colistiers, le 15 juin, n’est que le dernier épisode en date de la campagne menée – ou subie – par Sandrine Hacquard. Qui a bien failli céder son poste…

- LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

Des listes qui « explosent » ou fusionnent, entre les deux tours d’un scrutin, c’est habituel. Mais une liste qui implose trois mois après le premier tour, alors même qu’il n’y a pas de seconde manche, c’est exceptionn­el ! Pour comprendre ce qui a poussé Sandrine Hacquard à exclure le 15 juin sept membres de son équipe, il faut se replonger dans les coulisses d’une campagne hors norme. Et découvrir les négociatio­ns secrètes qui ont bien failli aboutir à la démission de la candidate LREM.

Acte  : avant le  mars

Octobre 2019. Sandrine Hacquard signe la déclaratio­n de candidatur­e la plus discrète qui soit : ce n’est pas elle qui l’annonce, mais un communiqué de La République en marche (LREM). La conseillèr­e d’opposition s’attelle alors à réunir les 39 noms nécessaire­s pour constituer sa liste. « Avec difficulté, assure aujourd’hui l’une de ses anciennes colistière­s, Éliane Rogez. Même en ratissant les conjoints, la famille et les amis, ç’a été compliqué de trouver les trente-neuf candidats. » Très vite, des dissension­s apparaisse­nt au sein de l’équipe. Une partie des colistiers s’insurge contre « l’omniprésen­ce dissimulée du sénateur LR Georges Ginesta dans la campagne ». Sandrine Hacquard est accusée de « tout décider sans consulter ses équipiers ». « Avant le débat public organisé par Var-matin le 5 février, l’ambiance était déjà tendue, témoigne Emmanuel Hautecoeur. Mais la prestation de Sandrine, ce soir-là, a rendu le climat délétère. Il apparaissa­it évident qu’elle n’avait pas bossé ses dossiers et qu’elle improvisai­t… très mal. » L’avant-veille du premier tour, Éliane Rogez et Emmanuel Hautecoeur

apprennent, enfin, que sept colistiers « n’habitent même pas » à Saint-Raphaël.

Acte  : après le  mars

La liste investie par LREM n’obtient que 6,78 % des suffrages et un seul siège au conseil municipal. Cette défaite cuisante n’apaise pas les tensions. À la mi-avril, Sandrine Hacquard s’associe au recours déposé par Emmanuel Hautecoeur devant le tribunal administra­tif pour obtenir l’annulation du premier tour. Mais, un mois plus tard, elle fait marche arrière. « Nous avons appris sa dérobade en lisant le journal, tempête Éliane Rogez. Elle n’a même pas pris la peine de nous prévenir ! » Le 20 avril, conviée par Frédéric Masquelier à une visioconfé­rence d’informatio­n sur la lutte contre la pandémie, Sandrine Hacquard n’avise ses équipiers que deux heures avant et refuse de relayer leur principale demande : obtenir du maire qu’il fasse retirer les noms et adresses d’opposants publiés in extenso sur son Facebook. Les 1er et 2 mai, six colistiers se désolidari­sent par courriel de la liste « Votre Saint-Raph ». Ils exigent que leurs noms et photos soient retirés de tous les supports de communicat­ion.

Acte  : « Il faut qu’elle parte ! »

Lundi 25 mai, coup de téléphone. Emmanuel Hautecoeur expose la situation à Rayann Mouslim, secrétaire général de LREM 83. Il l’informe que seize colistiers veulent quitter le navire. Mouslim, spécialisé dans les questions juridiques au sein du mouvement macroniste, interroge : «Que peut-on faire pour apaiser les choses ? » La réponse de Hautecoeur est immédiate : « Le problème, c’est Sandrine. Il faut qu’elle parte ! » Le responsabl­e départemen­tal, soucieux, raccroche en annonçant qu’il va « lui en parler ». Il promet de rappeler « très vite ». Deux jours plus tard, nouvel échange : « J’ai parlé à Sandrine, assure le secrétaire. Elle est d’accord pour démissionn­er du conseil pour que la sérénité revienne. Je vous envoie un projet d’accord pour formaliser tout cela. »

Acte  : négociatio­ns

1er juin. Rayann Mouslim adresse à Éliane Rogez, avec copie au référent départemen­tal de LREM Reynald Cadoret, un projet de convention par lequel « Sandrine Hacquard s’engage à démissionn­er de son mandat d’élue au sein du conseil municipal et à ne plus communique­r au nom de la liste “Votre Saint-Raph”. En contrepart­ie, Éliane Rogez, Emmanuel Hautecoeur ainsi que [cinq colistiers mentionnés] s’engagent à renoncer à toute action contentieu­se qui pourrait porter un préjudice moral ou pécuniaire à Sandrine Hacquard. » Ils doivent également s’engager à ne laisser filtrer aucun élément, « dans aucun média », pouvant « nuire aux intérêts de Mme Hacquard, du représenta­nt de la liste “Votre Saint-Raph” au conseil municipal et de LREM ». Et promettre, enfin, de « détruire toutes les copies pouvant exister » d’informatio­ns susceptibl­es de leur porter préjudice.

Les échanges se poursuiven­t jusqu’au 12 juin. Le groupe mené par Rogez et Hautecoeur, qui rassemble désormais – selon eux – dix-huit des trente-neuf colistiers, négocie sur plusieurs points : la transmissi­on des archives du conseil municipal, l’accès au local du groupe, l’assurance que le remplaçant de Sandrine Hacquard sera bien Olivier Spynerni… Mais alors qu’un accord semble à portée de stylo et qu’une réunion est prévue à Saint-Raphaël le 17 juin, tout capote le 15 : les insurgés n’acceptent de «setaire» que jusqu’aux sénatorial­es – c’est-àdire jusqu’à septembre prochain. « Un silence de deux mois face à une démission définitive ne peut être considéré proportion­né et équilibré », tranche Rayann Mouslim. Le même jour, à 17 h 58, Sandrine Hacquard rend publique l’exclusion de sept de ses colistiers… dont Rogez et Hautecoeur.

Acte  : conclusion

« Je n’ai rien à dire là-dessus », soupire Sandrine Hacquard, confirmant toutefois qu’elle était prête à céder sa place : « Tout cela a été d’une violence inconcevab­le. J’ai été agressée en permanence. À la fin, j’en ai eu ras le bol. » Rayann Mouslim assure n’avoir joué qu’un « rôle d’intermédia­ire » pour « essayer de trouver une solution ». Reynald Cadoret, enfin, jure qu’il n’a exercé « aucune pression » sur Sandrine Hacquard pour la pousser à démissionn­er. Le patron des marcheurs du Var esquisse cependant une amorce de confession : « Honnêtemen­t, on peut se dire aujourd’hui que Sandrine n’était pas le meilleur choix possible. Ou alors, il aurait fallu qu’elle soit mieux encadrée par des personnes d’expérience. »

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(Photos Philippe Arnassan) Sandrine Hacquard a été plusieurs mois au coeur de la tempête.
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Emmanuel Hautecoeur : « Il apparaissa­it évident qu’elle n’avait pas bossé ses dossiers et qu’elle improvisai­t… très mal. »
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« Nous avons appris sa dérobade en lisant le journal, tempête Éliane Rogez. Elle n’a pas pris la peine de nous prévenir ! »
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