Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Nice : justice morte et avocats en marche
Un long cortège de robes noires et de parapluies s’ébranle de la place du palais de justice de Nice vers la place Garibaldi. Ils sont près de deux cents, essentiellement des avocats, mais aussi des greffiers et des magistrats à défiler dans une ambiance bon enfant. Sur l’air de Cadet Roussel, un avocat s’époumone dans le mégaphone : « Belloubet à la chancellerie, voulait faire des économies et ce n’est pas réalisable elle sacrifie le justiciable. Ah! Ah! tu vois Macron, c’est pour ça que nous manifestons ». Fumigènes, sifflets, banderoles déployées, les professionnels du droit tentent au passage d’expliquer aux quidams les dangers de la réforme d’une institution exsangue. Même s’ils n’étaient pas tous d’accord sur les modalités d’action depuis que la grève illimitée a été votée, ils étaient tous unis hier. Me Xavier Fruton, de l’Union des Jeunes avocats, résume pourquoi la profession se bat : « Un accès à un juge indépendant et non à un robot ; une justice dotée de moyens humains et matériels ; le maintien des droits de la défense et de la place de la victime ; une justice proche du justiciable avec des juridictions de plein exercice sans création de désert judiciaire ; une justice non privatisée.»
Accès cadenassés
Le gouvernement qui a décidé d’une loi de programmation pour la Justice sur cinq ans (passant de 7 milliards cette année à 8,3 milliards en 2022 avec, à la clef 6 500 embauches) ne pensait sans doute pas provoquer autant de mécontentement chez les avocats. « Le projet a pour seul objectif de la réduction des coûts via la déjudiciairisation à outrance, la dématérialisation et la privatisation de la justice civile. Et ce, au détriment du justiciable », peste un représentant du Syndicat des avocats France (SAF). La Chancellerie a certes reculé sur deux points : la procédure de vente aux enchères (qui permet de financer l’aide juridictionnelle) et la présence de l’avocat pour les convocations sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Mais il reste bien des sujets de tensions ; Pour Me Morel Alexandra, des pans entiers de l’activité disparaîtront. Depuis une semaine, elle distribue des tracts d’explication de la réforme : « Ce n’est pas un mouvement corporatiste. Les avocats se mobilisent pour défendre l’accès au droit des citoyens ». Hier matin, à 8 heures, le bâtonnier Valentin Cesari et d’autres avocats ont symboliquement cadenassé les accès du palais de justice. À 9 h 30, tout est rentré dans l’ordre sous l’oeil de dizaines de policiers déployés. Une assemblée générale doit décider aujourd’hui de la suite du mouvement.