Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le geste héroïque d’Arnaud Beltrame, gendarme qui a sauvé des vies en prenant la place d’une otage
Il est le héros des attaques de l’Aude. Arnaud Beltrame est entré courageusement dans le Super U de Trèbes, après avoir déposé son arme, pour prendre la place d’une otage. Un employé et un client venaient d’être tués par le terroriste Radouane Lakdim. Ce dernier lui a tiré dessus avant que le Raid ne lance l’assaut. « Il lutte actuellement contre la mort », a annoncé dans la soirée le président de la République, Emmanuel Macron. «Il s’est substitué à l’otage que le terroriste tenait pour se protéger, un acte d’héroïsme comme en sont coutumiers les gendarmes, les policiers qui s’engagent au service de la nation », lui avait rendu hommage un peu plus tôt le ministre de l’intérieur Gérard Collomb. « Son acte mérite la reconnaissance de la Nation ». Né à Etampes, dans l’Essonne, Arnaud Beltrame est un gendarme expérimenté ayant débuté sa carrière en 2001. Il est issu du recrutement de l’École militaire interarmes (EMIA) de Saint-Cyr. Il est marié et n’a pas d’enfant.
« Un homme qui n’a peur de rien »
D’abord nommé dans un peloton de véhicules blindés à Satory (de 2002 à 2006), il a ensuite rejoint le premier Régiment d’infanterie (RI) de la Garde républicaine (en charge de la protection du président de la République), jusqu’en 2010. De 2010 à 2014, il a été chef de la compagnie d’Avranches dans la Manche, puis officier d’état-major à Paris de 2014 à 2017. «C’est un homme qui n’a peur de rien, qui va à l’affrontement, qui est présent », a déclaré à son sujet à Ouest-France Guénaël Huet, ancien député de la Manche, qui a eu l’occasion de travailler avec l’officier. En 2012, Arnaud Beltrame avait été fait chevalier de la Légion d’honneur. C’est en 2016 qu’il accède au rang de lieutenant-colonel. Il a été nommé officier adjoint au commandement du groupement de gendarmerie de l’Aude en août dernier. Arnaud Beltrame avait organisé en décembre dernier un exercice de simulation d’attentat dans des bâtiments d’EDF à Carcassone, raconte La Dépêche du Midi. Le scénario? «Une tuerie de masse… dans un supermarché.» Le gendarme avait à l’époque expliqué que l’objectif de ce type d’entraînement était «d’améliorer l’intervention des forces de l’ordre en cas d’attentat ». Une fiction qui, hier, est devenue une triste réalité. Que la menace du terrorisme islamiste reste «élevée» – ainsi que l’a redit hier Emmanuel Macron –, nous ne le savons que trop. De Valls à Collomb, tous les ministres de l’Intérieur n’ont eu de cesse de nous le répéter. Mais notre société oublieuse est ainsi : il suffit que les assassins restent quelques mois sans sévir – ou que la police réussisse à les neutraliser à temps – pour que notre attention se laisse distraire. Et c’est à chaque fois le même saisissement. La même horreur. La même incompréhension. Trèbes, donc. Pour nous rappeler ces tristes vérités : il y a parmi nous un certain nombre d’individus fanatisés (on dit «radicalisés») susceptibles de se déclencher n’importe où et n’importe quand, comme se déclenche une machine infernale. Ni le renforcement constant de la législation antiterroriste, ni l’augmentation des moyens en hommes et en matériel ne peuvent garantir à % le repérage des menaces. Enfin, la défaite militaire de l’État islamique sur le théâtre irako-syrien ne signifie pas la fin du terrorisme djihadiste, mais sa mutation : nous sommes sans doute moins exposés à des offensives d’envergure, pilotées à distance; mais nous restons vulnérables à un terrorisme de voisinage, endogène, habile à passer sous les radars de l’antiterrorisme. Ainsi ce Radouane Lakdim, présenté comme un garçon sans histoire, «sympa» (sic), qui prend soin d’emmener sa petite soeur à l’école avant d’aller massacrer des innocents. Aurait-on pu prévoir? Aurait-on dû agir? Les services de sécurité ont-ils manqué de vigilance ? Attendons l’enquête. Ce qui frappe ici, c’est l’effrayante banalité de ce parcours, menant de la petite délinquance au terrorisme en passant par le salafisme. Et la mort au bout. La sienne et celle de trois innocents dont le seul tort était de se trouver là. Vous parlez d’un fait d’armes! «Soldat de l’État islamique», dit la revendication de Daesh… Plutôt soldat perdu d’une guerre perdue. Pathétique auteur d’une équipée sans issue dont la cruauté n’a d’égal que la bêtise. La France a tenu bon après le Bataclan. Elle a tenu bon après Nice. Fallait-il être aveuglé pour croire qu’elle pourrait se coucher et envisager une seule seconde de libérer Abdeslam, le survivant des commandos du -Novembre… Non, elle a réagi comme il convenait. On ne peut que se féliciter de la célérité et de l’efficacité des forces de sécurité – de mieux en mieux préparées à affronter de telles situations. Avec une mention toute particulière pour l’héroïsme du lieutenantcolonel Beltrame. Lui nous a rendus fiers. Et ce fut comme une trouée de lumière dans cette triste journée.