Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La Pologne adopte la réforme controversée de la justice
Les députés polonais ont voté, hier, une réforme controversée de la Cour suprême, en dépit des protestations publiques et des mises en garde de l’Union européenne, inquiète pour l’indépendance de la justice au point d’avoir brandi la menace de sanctions sans précédent. Avant le vote, précédé par des débats d’une rare violence au parlement, l’opposition a dénoncé un « coup d’Etat » portant atteinte à l’indépendance du système judiciaire.
Varsovie ignore les avertissements
Mais les conservateurs du parti Droit et Justice (PiS), au pouvoir depuis l’automne 2015, ont choisi d’ignorer les avertissements de la Commission européenne, du président du parlement européen et du Conseil de l’Europe. La Commission avait sommé mercredi Varsovie de « mettre en suspens » ses réformes du système judiciaire, agitant la menace de sanctions. « Nous sommes désormais très proches de déclencher l’article 7 du traité de l’UE », synonyme de possibles sanctions comme la suspension des droits de vote de la Pologne au sein de l’UE, avait averti le vice-président de la Commission, Frans Timmermans. Les réformes polonaises visent généralement à accroître le contrôle du pouvoir exécutif sur le système judiciaire et à en renouveler le personnel. Le PiS, majoritaire dans les deux chambres et toujours nettement en tête des sondages d’opinion, les présente comme indispensables pour rationaliser le système judiciaire et combattre la corruption. Il considère la résistance à ces initiatives comme la défense des privilèges et de l’impunité d’une « caste » des juges. L’opposition y voit un affaiblissement de la séparation des pouvoirs et une tentative de faciliter aux conservateurs le contrôle de l’ensemble de la vie sociale. « Le danger, c’est que les tribunaux seront subordonnés aux politiciens » ,aobservé devant la presse le médiateur polonais, le juriste Adam Bodnar. « Le PiS, qui n’a pas la majorité constitutionnelle, tente de modifier par des lois le régime politique de la Pologne ». La chambre basse, où le PiS est majoritaire, a voté la proposition de loi par 235 voix pour, 192 contre et 23 abstentions. Aussitôt connu, le vote a été dénoncé par des manifestants rassemblés devant le siège du Parlement, protégé par des cordons de police et des barrières métalliques. Couchés sur le dos, ils donnaient des coups de pied contre les barrières, en scandant « Honte » ou « La solidarité est notre arme ».
« Marginalisation de la Pologne »
Ce jeudi, le président conservateur Andrzej Duda a fait savoir qu’il refusait une rencontre avec le président polonais du Conseil européen, Donald Tusk, préoccupé par cette situation. Sans réagir directement à ce refus, M. Tusk a publié une déclaration mettant en garde contre un « scénario noir » débouchant sur «la marginalisation de la Pologne en Europe ».