Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La direction de course: le silence au milieu du boucan
Durant les séances d’essais qualificatifs, nous avons pénétré au coeur du centre névralgique du Grand Prix. C’est là où toutes les décisions sont prises, dès lors qu’un pépin arrive sur la piste
Le microcosme de la Formule 1 n’est guère réputé pour son silence ambiant. Une boule Quies mal ajustée près du circuit et l’on risque le saignement de tympans à tout instant. La direction de course fait clairement figure d’exception. Ici, au coeur du centre névralgique des épreuves, les lieux sont calfeutrés. C’est à peine si l’on entend le ronronnement des bolides. Encore moins les directives distillées à travers les micros. C’est là que les pontes de la FIA et de l’ACM prennent conjointement les décisions en cas de pépins sur la piste. Face à eux, un mur d’écrans. Trente-deux, pour être précis. Pas un bout d’asphalte ni les dixneuf virages mythiques n’échappent à leur oeil aiguisé. «Ona aussi un écran qui montre la position en temps réel des pilotes sur le circuit. Ainsi, on réagit en conséquence, s’il y a un incident », détaille Alain Pallanca, directeur de course adjoint à l’ACM. Et ça tombe bien, on a choisi notre moment, hier à 14 heures. L’épreuve des essais qualificatifs de F1 est généralement prompte à une féroce bataille du rail. Il faut jouer des ailerons pour espérer figurer en bonne place sur la grille de départ. « Les pilotes sont toujours limites sur cette épreuve. Ils prennent des risques. Alors pour, nous, c’est plus tendu », reconnaît-il sans ambages.
Une main courante pour relever les décisions
Heureusement, Dame Nature n’est pas venue jouer les trouble-fête. Pas de pluie, et donc de piste détrempée, pour nuire au bon déroulement de la course. Au contraire, le bitume flirte avec les 54 degrés. 14 heures, hier. Début des hostilités. Pas une minute de retard. À l’écran, on peut lire «Feu vert. Pitlane ouverte». Un carnet de bord, appelé main courante, relève chaque prise de décision. Et, en cas de litige, toutes les communications à la radio entre les parties prenantes sont enregistrées. La première chaude alerte intervient quand Romain Grosjean fait un tête-à-queue à la sortie du virage Mirabeau. Dans la pièce, le frémissement se fait sentir car la visibilité est nulle pour les poursuivants. Heureusement, le pilote français de la Haas F1 Team se dégage du milieu à contresens. Collision évitée de justesse. «Ila bien fait de se pousser. Très bon réflexe », entend-on dans la salle.
« Jamais dans la précipitation »
À trop vouloir flirter avec les rails de sécurité, Marcus Ericsson finit sa course dans l’échappatoire, pas très loin de la sortie du tunnel. Pas de quoi sonner le branlebas de combat au coeur de la direction de course, de dégainer le drapeau rouge ou d’engager la safety car. « On n’est jamais dans la précipitation. C’est un postulat, assure Alain Pallanca. On envoie quand même des hommes sur la piste. Alors, on prend le temps de la décision. Mais c’est de l’ordre de 5 à 10 secondes. » Après, l’expérience fait le reste. En fin de Q2, Stoffel Vandoorne a finalement signé le plus gros incident de l’après-midi en s’encastrant dans le rail, à la sortie de la chicane de la Piscine. Drapeau jaune dégainé dans la foulée. Au coeur du lieu de décision, ordre est donné à l’un des 42 chefs de poste concerné de pénétrer sur la piste avec ses hommes. Certains évacuent les débris d’un coup de balai. D’autres évacuent le pilote belge. La dépanneuse, elle, est missionnée pour évacuée la carcasse salement amochée à l’avant-droit. « L’incident est intervenu en fin de Q2, donc tout le monde est rentré dans les stands et on a pu travailler en piste libre. Parfois, si les rails sont trop sérieusement endommagés, on doit les changer », poursuit Alain Pallanca. Des qualifications finalement « tranquilles » pour ces hommes de l’ombre. Les choses sérieuses débuteront aujourd’hui à 14 heures. Et tout laisse à penser que la direction de course aura fort à faire dès le départ de ce 75e Grand Prix. Dès le virage de Sainte-Dévote, réputé accidentogène. Surtout qu’il est fort à parier qu’un certain Lewis Hamilton, relégué à la treizième place, tentera de se frayer un passage pour grappiller quelques places. (1) Fédération internationale de l’automobile et Automobile Club de Monaco. À leurs côtés, dans la même pièce : les pompiers, la police, les médecins, la société monégasque d’assainissement.