Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’ex-gendarme varoise radicalisée en procès
Ahlam El Haddad et son mari, ainsi que cinq autres prévenus, sont jugés à partir de demain. Ils risquent juqu’à dix ans de prison
Une ancienne gendarme volontaire varoise et son mari en chefs de bande, des arnaques pour rassembler « l’oseille » du djihad, et des épousailles via Facebook : cinq hommes et deux femmes sont jugés à partir de demain et durant une semaine au tribunal correctionnel de Paris, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» Sur ce procès s’étend l’ombre de Mourad Fares. Considéré comme l’un des plus importants «recruteurs» français pour le djihad, il est détenu en France, après avoir séjourné en Syrie.
Ils se rencontrent sur Facebook
Mais parmi les prévenus âgés de 24 à 31 ans, presque tous originaires de la région parisienne, aux casiers judiciaires vierges à une exception près, le rôle moteur revient donc, selon les enquêteurs, au couple suscité, formé par Ahlam El Haddad et Nassim Tache. Ils ont été interpellés en mars 2014, alors que, selon les enquêteurs, ils s’apprêtaient à partir pour la Syrie. Elle est actuellement sous contrôle judiciaire, lui, décrit comme un «leader» par un autre prévenu, est incarcéré. Ils se rencontrent via Facebook début 2013. La jeune femme est alors gendarme volontaire adjointe à SaintMaximin (Var), un contrat à durée déterminée réservé aux jeunes. A ce poste, qu’elle occupe d’août 2012 à novembre 2013, elle est mise en cause pour des consultations illicites de fichiers (nos éditions du 17 septembre dernier). Le mariage civil et religieux a lieu fin 2013.
Projet de trafic d’armes
Dans un SMS adressé à cette époque à Nassim Tache, Ahlam El Haddad s’interroge sur leur future vie en Syrie : « J’ai peur que labas [sic] pris par la ferveur de l’ambiance entre frères tu me négliges. » D’autres messages sont moins fleur bleue. « Faut tous qu’on fasse tous de l’oseille. Un paquet d’oseille negro [sic] » pour financer un départ, écrit-elle à Johan Juncaj, l’un des autres prévenus qui a également joué un rôle important (lire plus loin) .Ou: « Tu as dis a nassim que je v mourir martyr avant lui ptdr. » [sic] Elle asticote son époux, qui peine à se procurer un 4x4 pour rejoindre la Syrie: «Tu te débrouilles. C’est toi l’homme. Tu trouves une voiture pour que ta femme remonte ses affaires », puis «Je sais pas moi, vole une voiture ». Selon les enquêteurs, tous deux échafaudent des projets plus ou moins aboutis: trafic d’armes passant par l’Albanie, vol puis revente de stupéfiants saisis par la brigade d’Ahlam El Haddad, escroquerie aux organismes de crédit… La jeune femme emprunte 30 000 euros grâce à des documents falsifiés.
Un lien avec la cellule Cannes-Torcy
Le couple joue aussi les agences matrimoniales. Ils persuadent une autre prévenue, Zohra Boulligh, d’épouser religieusement et via Internet un djihadiste déjà en Syrie. Cette jeune femme tente à deux reprises de le rejoindre fin 2013, sans succès. Elle a depuis divorcé et contracté un autre mariage religieux, cette fois avec Ibrahim Boudina – ce membre présumé de la filière djihadiste de Cannes-Torcy attend son procès aux assises pour un projet d’attentat en France. Ami du couple, Johan Juncaj comparaît libre. Après avoir sympathisé fin 2012 avec le « recruteur » Mourad Fares, qui l’accueille dans sa maison au Maroc et auquel il donnera de l’argent, il est accusé d’avoir fait de la propagande djihadiste sur Internet, d’avoir suivi des entraînements en vue de combattre, et d’avoir monté de petites escroqueries pour financer le jihad. Sur le banc également : Mourad Gharbi, ami d’enfance de Johan Juncaj, et Ilias El Ouardi, qui aurait participé aux réflexions du couple Tache-El Haddad sur des trafics d’armes ou de stupéfiants. Dans cette énumération manque le seul prévenu à être effectivement allé en Syrie: Kenzi Benahmed est accusé d’avoir passé plusieurs mois, en 2013-2014, dans un groupe armé. « Avant, j’étais plus extrémiste que les gens de l’État islamique dans mes idées. J’ai vu ce que ça donnait sur le terrain et j’ai compris que c’était une catastrophe», a-t-il assuré aux enquêteurs à son retour. 1. Ce qui peut valoir jusqu’à dix ans de prison.