Tourisme capillaire
En quelques années, Istanbul est devenue la capitale mondiale des implants capillaires. Portfolio.
Les hommes y viennent du monde entier pour oublier leur calvitie. En quelques années, Istanbul est devenue la capitale mondiale des implants capillaires, au point d’avoir donné naissance à un nouveau genre de tourisme. Pourquoi? Comment? Pour Society, les photographes Frankie & Nikki sont allés faire un tour en coulisses.
Ancienne capitale d’empire à cheval entre deux continents, Istanbul est une ville pleine de spectacles uniques au monde. Le coucher du soleil sur le Bosphore. Ses reflets sur la Mosquée bleue. Ou encore des hordes de touristes au crâne tondu rouge et violacé d’hématomes, ceint d’un pansement blanc et d’un bandeau en éponge flanqué du logo d’une clinique, qui déambulent en prenant des selfies sur la place Taksim. Depuis quelques années, alors que les attentats ou la tentative de coup d’état ont porté un dur coup au tourisme en Turquie, le tourisme médical, lui, connaît une hausse fulgurante. Avec environ 350 cliniques spécialisées dans le domaine qui reçoivent chaque année plus de 100 000 patients étrangers, Istanbul est devenue le paradis des implants capillaires. La ville s’est hissée à cette place en proposant des tarifs défiant toute concurrence: un traitement y coûte entre 1 200 et 2 500 euros en moyenne, contre des sommes entre cinq et dix fois supérieures en Europe ou au Moyen-orient. De plus, les agences de tourisme médical, qui travaillent de mèche avec les cliniques, proposent des forfaits all inclusive comprenant prise en charge des patients à l’aéroport, hôtel, interprète, et parfois aussi des soins, des massages ou un chauffeur. C’est (littéralement) Byzance.
En 2018, le tourisme médical des implants capillaires a ainsi rapporté plus d’un milliard d’euros à la Turquie. Pour autant, ce business en plein essor cache une dure réalité. La multiplication des cliniques rend les contrôles de qualité plus difficiles à effectuer, et la compétition entre elles est chaque jour plus féroce. Afin de proposer les meilleurs prix et réduire les coûts, les cliniques embauchent du personnel non qualifié pour effectuer les opérations. Chaque patient rencontre un médecin avant son intervention, mais ce n’est pas toujours lui qui va réellement la réaliser. Or, un cheveu mal implanté peut mal pousser et s’infecter. Enfin, parce que la grande majorité des patients viennent des pays arabes voisins, certaines cliniques ont trouvé des interprètes parmi les réfugiés syriens qui vivent en Turquie, qui parlent la langue et sont prêts à accepter des conditions de travail plus dures que les Turcs. Embauchés pour effectuer le lien entre les patients et la clinique, ils sont tenus à une disponibilité à toute heure et à des quotas de performance élevés, en échange d’un salaire dérisoire.