Raphaël Quenard La voix royale
Au même moment, l’apprenti comédien entre dans l’association 1000 Visages, fondée par la réalisatrice Houda Benyamina, qui permet de s’initier gratuitement au jeu. Un choix gagnant, car il y rencontre Émilie Noblet, alors en train de monter le casting de la série HP.
Raphaël le passe avec succès et, en 2018, devient Jimmy, un interne maniaco-dépressif hilarant. De quoi être remarqué par Jonathan Cohen, qui le recrute pour jouer un mafieux dans Family Business, en 2021. “C’était une expérience extraordinaire, j’ai adoré rejoindre cette équipe à la ‘farfeluterie’ prononcée !” s’amuse le comédien dans Clique. Désirant multiplier les rencontres, il s’incruste dans chaque avant-première, chargé de CV qu’il distribue à tous les gens qui comptent dans le cinéma. “Comme je n’ai rien à perdre, j’ai le culot d’aller à la rencontre des choses”, révèlet-il sur France Inter. Et la tactique fonctionne. Averti que le réalisateur Jean-Baptiste Durand est en train de monter Chien de la casse, dont le rôle-titre pourrait lui convenir, il joue des coudes à une première pour serrer la main du cinéaste… qui ne le calcule toutefois pas. Mais il en faut bien plus pour décourager Raphaël. “Après cette soirée, je lui ai mis des tas de messages sur Facebook, on était à deux doigts du harcèlement”, plaisante-t-il dans C l’hebdo. De guerre lasse, le réalisateur finit par lui proposer de participer au casting. Sa présence magnétique fait le reste. Pourtant, au début, Jean-Baptiste Durand lui demande de corriger sa diction avec un orthophoniste. Ce phrasé étonnant, personne ne comprend vraiment d’où il vient. Certains le pensent belge ou suisse, d’autres parlent d’un accent grenoblois quand les mauvaises langues évoquent un handicap. Raphaël en joue, s’en amuse, car il sait que les sons qui sortent de sa bouche sont son arme fatale. “C’est ma voix normale. Ce que vous entendez, c’est une cloison nasale légèrement déplacée, ce qui donne une espèce de timbre enrhumé. Ce n’est ni un accent, ni quoi que ce soit, c’est ma voix”, assure-t-il sur le plateau de Quotidien en 2023. Aujourd’hui, plus besoin de courir les castings et les premières, il est devenu un acteur qui compte et enchaîne les tournages. Surtout depuis que Quentin Dupieux lui a offert le premier rôle dans Yannick. Cette année,
“Le toboggan des dérapages”
le réalisateur lui permettra même de monter les marches à Cannes pour son nouveau film, Le Deuxième Acte, qui fera l’ouverture de la 77e édition du Festival. Raphaël Quenard sera aussi du prochain long-métrage de Gilles Lellouche, L’Amour ouf, qui devrait sortir à la fin de l’année, et écrit des scénarios avec l’objectif de devenir réalisateur. “Dans le travail, il y a une discipline qui est bénéfique. Ma grand-mère me disait ‘L’oisiveté est mère de tous les vices’. Et comme j’ai tendance à prendre le toboggan des dérapages, au moins, avec le travail, je suis cadré !” dévoile-t-il sur France Inter. Conscient de ses fêlures, il tente de ne pas être dévoré par le personnage qu’il est en train de créer. C’est en partie pour cela que, lorsque les journalistes lui parlent intimité, le verbe s’éteint, immédiatement. On l’a aperçu au Parc des Princes avec une jolie brune dont il semblait très proche. Mais rien de plus. “Mes comptes sur les réseaux sont uniquement professionnels, je ne poste que des images de mon métier. Je préfère garder ma vie privée pour moi, je veux qu’elle reste une zone non défrichée”, dira-t-il aux Inrockuptibles. Une zone qui fait pourtant désormais beaucoup parler. “La chose la plus importante dans la vie, c’est le panache!” clame-t-il en tout cas. Encore un mot vieillot qui définit celui que le public aime regarder parler… ■