Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Ces artistes qui font
À Québec, ils ont le statut d’amuseurs publics. À Nice aussi les artistes de rue égaient la ville. Avec le retour des beaux jours, vous les verrez davantage. Ils ont accepté de se raconter. Steve, le piano rouge de Masséna
Les Niçois connaissent tous « le pianiste de la place Masséna » ou « le violoniste du palais de justice ». Steve et David sont, à l’instar de Mahyar (« le guitariste du Vieuxnice »), des musiciens professionnels.
Ils ont fait le choix d’offrir leurs prestations au public sur le pavé. L’aspiration à une forme de liberté sous-tend leur démarche. Et sur la chaussée, ils se confrontent directement au public, prennent des risques. Dans cette galerie, difficile de passer à côté d’andreas, « le Michael Jackson de la Prom’ ». S’il n’est pas danseur professionnel, il use ses ballerines dans la rue depuis bientôt quarante ans. Pour lui, c’est un besoin. Une manière de s’exprimer, presque un don de soi. Commes les autres, il a accepté de se livrer, de parler hors costume, de dévoiler une sensibilité parfois mal comprise.
Nous sommes allés à leur rencontre pour savoir ce qui leur plaît dans cet exercice sans filet, pour connaître leur parcours et leurs aspirations.
Son piano rouge est presque plus connu que lui. Steve Villa-massone trimbale son instrument dans Nice depuis vingt-cinq ans déjà. Lorsqu’on évoque les artistes de rue, c’est son nom et sa silhouette qui arrivent en premier dans la conversation. Difficile de croiser un Niçois qui ne l’a jamais vu, le nez dans les touches, concentré sur sa musique.
« J’ai commencé le piano à 5 ans pour m’amuser avec mon frère qui en faisait déjà, se souvient le musicien de 43 ans. J’ai pris des cours pour trouver de la rigueur dans un univers où j’allais chercher du plaisir. J’ai fait le conservatoire de Nice et l’académie Franz-liszt. » Une formation pour le moins classique qui lui a conféré de solides bases lui permettant de jouer et de composer.
S’il est capable d’exécuter n’importe quel style de partition, Steve ne cache pas un goût prononcé pour le classique, « des oeuvres des plus grands compositeurs à celles (qu’il a) écrites ». Et s’il arpente les places fréquentées de Nice, offrant aux promeneurs autant de concerts gratuits depuis 1999, sa démarche a été inspirée par un autre pianiste. « J’avais vu ce musicien descendre un piano dans la rue. Ça m’a fait prendre conscience que oui, c’était envisageable. J’ai donc pris le piano familial et j’ai fait pareil. »
L’école de la rue est, pour Steve Villa-massone « hyper formatrice. Elle vous oblige à maîtriser la concentration. Vous jouez au milieu des gens qui passent, de ceux qui vous interpellent, des bruits environnants. Il y a sans cesse des interactions parce qu’il n’y a pas de barrière mais c’est le but. Ici, les gens osent venir me parler. Quand vous donnez un concert classique, le public reste de son côté et ne vous aborde pas à la fin. Moi, j’ai la chance d’avoir cet échange direct, un retour immédiat sur ma prestation. J’ai finalement gagné beaucoup de temps, d’expérience et je suis capable de jouer en public sans défaillir, même si une corde lâche, même si des bruits viennent parasiter ma prestation. » Autant dire que le pianiste a démultiplié ses capacités de concentration sur le bitume.
« La rue est aussi un moyen d’éprouver mes nouveaux morceaux directement auprès du public. Je vois les réactions, je peux sentir si ça plaît », confie-t-il. L’artiste livre également des prestations plus classiques, concerts, festivals. Il a d’ailleurs créé l’été dernier le sien, baptisé Les Nocturnes du piano rouge. « L’idée est d’aller à la rencontre des communes aux alentours de Nice. Ça a très bien marché, je vais le refaire et le développer pour mettre en avant d’autres artistes. »