Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
“Cellule de Menton” : le parcours chaotique de Frédéric Renet
La cour d’assises spéciale de Paris s’est penchée hier sur le cas de cet ancien légionnaire, soupçonné d’avoir participé à la préparation d’actes terroristes au sein de la cellule démantelée en 2017
Depuis que j’ai adopté cette idéologie, il n’y a eu que du négatif dans ma vie. » A68 ans, Frédéric Renet, silhouette trapue et petites lunettes cerclées, pose un regard défait sur les trois années qui viennent de s’écouler. Le 7 novembre 2017, l’ancien légionnaire a été interpellé à son domicile du 113, route de Sospel, à Menton, pour sa participation présumée à la préparation d’actes terroristes au sein d’un groupe radicalisé. Mais quel était vraiment le rôle de ce sexagénaire au sein de cette « Cellule de Menton » jugée jusqu’au 15 janvier devant la cour d’assises spéciale de Paris et, surtout, comment a-t-il pu se retrouver dans une telle affaire ?
◗ « Une existence de SDF »
C’est ce que la cour a tenté de comprendre hier, lors de l’examen de la personnalité de celui qui fut un temps berger sur les hauteurs de Menton. Une expérience pastorale que son demifrère Pascal, appelé à témoigner, voit plutôt comme une existence «de SDF» , mais qui illustre la drôle de vie de Frédéric Renet. Né en 1952 à Clamart, il grandit du côté de Dunkerque. Son père meurt noyé alors qu’il n’a que trois ans, et l’enfant, surprotégé par sa mère, devient rapidement ingérable. Elève doué, il néglige l’école, triple sa quatrième et choisit le large en devenant, à l’âge de 18 ans, marin-pêcheur. S’ensuit un bail de dix ans sur les mers du globe qui lui coûtera son mariage. Revenu à terre, Frédéric Renet décide de renouer avec une vieille tradition familiale – son grandpère fut tué sur le front en 1914, son père fut fait prisonnier en 3945 – en intégrant la Légion Etrangère.
◗ Deux désertions
L’expérience démarre sous les meilleurs auspices en Corse, où il intègre les commandos de marine, mais se termine mal en Martinique, où il déserte par deux fois avant de quitter la Légion. C’est comme cela qu’il atterrit une première fois à Menton, à la fin des années 80, s’essayant à l’élevage puis au maraîchage en squattant une vieille bergerie.
◗ Conversion à l’islam en
C’est là qu’il reviendra définitivement en 2005 après un détour par Bayonne. C’est là, enfin, qu’il se rapproche de la communauté musulmane locale et finit par se convertir à l’islam.
« J’étais soulagé parce que je me suis dit qu’il allait enfin arrêter de boire », se souvient son demifrère. Depuis l’âge de 20 ans, Frédéric Renet est alcoolique, ce que sa pratique du sport à haute intensité masque à la plupart des gens. Derrière cette façade, cependant, l’alcool ruine méthodiquement tous ses projets. Alors certes, en se convertissant, il arrête de boire. Mais il s’engage aussi dans un engrenage inextricable. « Frédéric, il est fragile mentalement, versatile, instable », explique Pascal.
Aussi, lorsqu’en 2015 son demi-frère, opéré des deux genoux, lui dit que « de jeunes musulmans sont venus retaper gratuitement son appartement pendant sa convalescence », son inquiétude grandit. « Frédéric est extrêmement influençable. C’est la cible idéale. »
◗ Passion pour la Syrie et radicalisation
La prédiction se réalise : l’ancien apprenti berger se prend de passion pour la situation en Syrie, crée des comptes Facebook, se fait appeler Yasin et se radicalise. Jusqu’à intégrer ces fameux groupes de discussion sur la messagerie cryptée Telegram, où il propose ses services en tant qu’instructeur militaire.
◗ Projet d’attentat pour la Fête du Citron
Jusqu’à évoquer avec le Monégasque de naissance Yannis Ziari, lui aussi sur le banc des accusés, des projets tels que l’attaque du village de Castellar, un attentat au moment de la Fête du Citron, à Menton, ou même l’attaque d’un convoi militaire.
« C’est n’importe quoi, ce que j’ai fait », regrette-t-il aujourd’hui à la barre. Pour ces faits, Frédéric Renet risque jusqu’à 30 ans de prison.