Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Théâtres et musées fermés, rêves en sommeil

- PATRICE MAGGIO Directeur adjoint des rédactions du groupe Nice-matin edito@nicematin.fr

L’hiver arrive. En fait, il est déjà là mais nous n’en éprouvons pas encore la morsure. Rien à voir avec le calendrier. Ou avec la météo. C’est d’un autre hiver qu’il s’agit. Il a commencé en  et il peut durer longtemps. Théâtres, musées et cinémas fermés, festivals décalés : c’est toute la machine à rêves qui se grippe. Elle devait redémarrer aujourd’hui jeudi. Faux départ. Le virus fait court circuit. Pour une bonne partie des Français, c’est loin d’être une préoccupat­ion majeure. Quand la vie sociale se réduit comme peau de chagrin, on est surtout nostalgiqu­e des virées au resto, des apéros entre copains, de sa place de stade ou de son forfait au ski. Autant de sensations que l’on ne peut vivre par procuratio­n. Alors qu’il suffit apparemmen­t de cliquer sur sa télécomman­de ou son ordinateur pour accéder à tout le répertoire et taquiner sa muse préférée. Et que répondre à ceux qui risquent d’y laisser leur emploi, leur commerce et même leur santé ? Picasso ou Pfizer ? Villon ou écouvillon ? Comédie ou épidémie ? Le débat est plié avant d’avoir commencé.

Mais lançons-le quand même, alors que le nouveau calendrier du déconfinem­ent doit être dévoilé. Aujourd’hui ? A la mi-janvier ? Comme dans un match d’improvisat­ion, on ne le saura probableme­nt qu’au dernier moment. Il est peu probable qu’un billet coupefile sera accordé aux sites culturels, alors que les indicateur­s sanitaires sont toujours mauvais. On doit même s’attendre à ce que la vie culturelle reste longtemps perturbée. Même le festival le plus important de la région avec Avignon, celui de Cannes, annulé l’an dernier, n’est pas à l’abri d’un report de quelques semaines. Ses organisate­urs l’ont annoncé hier. Mais si le spectacle vivant ne peut recommence­r, si la rencontre directe entre le public, les oeuvres et les artistes doit encore être différée, il faudra en mesurer les dégâts causés dans notre imaginaire, et sur notre capacité à rêver nos vies. Ce qu’aucune retransmis­sion sur écran, même en haute définition, ne peut soigner sur le long terme. Victor Hugo écrivait dans « Les Misérables » que

« la quantité de civilisati­on se mesure à la quantité d’imaginatio­n » ,que « la poésie d’un peuple est l’élément de son progrès ». Si nous, nos enfants, devons renoncer à l’art, pendant aussi longtemps, nous laisserons les fantasmes, si fréquents et si proches, occuper l’espace vacant, envahir et contaminer nos réflexions. Donc nos actions. Au-delà du soutien matériel aux profession­s impactées, le gouverneme­nt doit bien mesurer ce qui est en jeu. Avant de décevoir à nouveau ceux qui classent la culture parmi les activités essentiell­es.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France