Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Etre dialysé et boucler un trail de  km ? C’est possible !

Fabrice Huré, un quadragéna­ire breton, vit depuis 22 ans au rythme des dialyses. Il raconte l’exploit sportif qu’il a réalisé dans un film

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Fabrice, dialysé depuis  ans, a bouclé le trail du Bourbon à La Réunion.

Fabrice est un quadra bien dans ses baskets, passionné de sport. En 2017, il s’est frotté à une épreuve phare des amateurs de course à pied : il a bouclé le trail du Bourbon (dans le même esprit que « la diagonale des fous »), soit 112 km à avaler sur 6400 m de dénivelé sur l’île de La Réunion. Le genre de challenge qui demande beaucoup d’entraîneme­nt. Plus encore pour lui. Car ce Breton souffre d’une maladie génétique rare affectant ses reins. « On m’a diagnostiq­ué en 1997. Ce n’est pas évident de rentrer en dialyse quand vous avez 21 ans ! » Fabrice a été greffé quelques mois après avoir découvert sa pathologie. « Le problème c’est que la greffe n’a pas fonctionné. J’ai développé beaucoup d’anticorps qui rendent difficile le fait de trouver désormais un greffon compatible. » C’est ainsi que depuis plus de deux décennies, il vit au rythme de la machine qui filtre son sang à la place de ses reins. Pour autant, l’homme refuse de laisser la maladie prendre le pas sur sa vie. Il a continué à travailler jusqu’à l’an dernier où il a mis son job entre parenthèse­s pour sillonner la France afin de délivrer un message positif. Pour montrer que l’on peut souffrir d’une pathologie grave mais accomplir des exploits sportifs. Pour appuyer son discours, il a réalisé un film avec son ami Cyril Portanelli dans lequel il raconte comment il s’est préparé et surtout comment il a vécu ce trail. « Trois fois par semaine, je vais dormir au centre de dialyse de nuit de Rennes, et ce depuis 2002. La dialyse dure donc 8 heures au lieu de 4 heures pour une dialyse en journée. Comme elle est plus longue, elle est mieux tolérée par l’organisme, du coup, on ressent beaucoup moins d’effets secondaire­s. Le drame c’est que très peu d’insuffisan­ts rénaux y ont accès car peu de centres en France la proposent. Si je ne bénéficiai­s pas de ce type de traitement, je ne pourrais probableme­nt pas travailler ou faire du sport comme je le fais. »

« Redonner de l’espoir aux patients »

Car Fabrice a connu les dialyses traditionn­elles et n’y reviendrai­t pour rien au monde : « j’y allais à 18 heures après mon travail. C’était l’enfer : vous êtes là à attendre pendant 4 heures que ça se termine. Vous regardez l’horloge et si l’infirmière est retenue avec un autre patient, chaque minute supplément­aire à attendre qu’elle vous débranche paraît interminab­le. Ça épuise, physiqueme­nt et moralement. Seuls 10 % des dialysés ont un emploi à temps plein, ça veut bien dire ce que ça veut dire. » Si Fabrice souhaite tant communique­r, c’est pour briser les idées reçues. « Un jour, j’ai lu un titre dans un grand quotidien national qui m’a glacé le sang. C’était quelque chose du genre “la dialyse est une prison, allégeons les peines”. Je comprends l’idée derrière mais pour les malades ça rajoute de l’angoisse. Ma démarche consistait véritablem­ent à redonner de l’espoir aux patients et à leurs proches. » Le Breton entend prouver qu’il y a des choses à faire pour améliorer le quotidien. Cela passe notamment par « la coconstruc­tion d’un projet de vie avec les soignants : ensemble, il faut discuter de ce que l’on peut faire. » Fabrice Huré a ainsi préparé son trail avec ses médecins, en a discuté avec un infirmier avec qui il s’est lié d’amitié... Il insiste sur le fait que « même une personne qui est dialysée peut se lancer dans des projets. Ce sera peut-être un peu plus compliqué, mais il y a plein de choses que l’on peut faire. A condition d’être bien accompagné et suivi ! »

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La Montagne dans le sang, c’est le nom du film qui retrace son parcours. On y voit Fabrice Huré s’entraîner en Bretagne, confier son état d’esprit avant de décoller pour La Réunion en compagnie de sa femme. On le voit arriver juste la veille du départ, se lever aux aurores pour une séance de  heures de dialyse avant de s’élancer, le soir, sur le trail de Bourbon. Difficile d’imaginer ce qu’endure le bonhomme, au physique de coureur de fond. Tout au long du film, il se livre. Raconte comment au bout de  km il se sent au bout du rouleau. Il dit l’épuisement, le corps qui souffre. « Heureuseme­nt, Christine, ma femme, était là, elle a trouvé les mots pour me remotiver. Après cette première étape, le reste n’a plus été que de la gestion. » C’est elle aussi qui lui préparait ses encas. Car Fabrice ne peut pas s’alimenter comme les autres sportifs. Bananes, fruits secs, etc., plein de choses présentes massivemen­t sur les stands de ravitaille­ment lui sont interdites car elles contiennen­t du potassium... Potassium que ses reins ne filtrent pas. Finalement, le Breton a bouclé le trail de  km en un peu plus de  heures... Et pour fêter ça... il a enchaîné sur une dialyse. C’est ça aussi son quotidien. Le film a été présenté à Nice juste avant la période de confinemen­t en présence notamment du Pr Vincent Esnault, responsabl­e du service de néphrologi­e du CHU, qui n’a pas manqué de saluer l’exploit de Fabrice. Ce dernier tient à préciser : « En hommage aux soignants qui sont sur le front de cette épidémie et en soutien aux patients insuffisan­ts rénaux (dialysés, transplant­és ou en insuffisan­ce rénale) dans cette période un peu anxiogène, nous avons décidé de vous amener de l’espoir, de l’engagement et du positif. A partir de ce lundi  mars à  heures, le film sera en version libre sur Internet, pendant  jours. » Retrouvez-le sur https://vimeo.com/. Vous pouvez contacter Fabrice à lamontagne­danslesang@gmail.com ou sur les réseaux sociaux : www.facebook.com/lamontagne­danslesang.lefilm/ twitter.com/LMDSlefilm et sur www.instagram.com/lamontagne­danslesang/

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(Photos DR/Fabrice Huré)

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