Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
: le capitaine Delage sombre volontairement avec son cuirassé
Le poète Guillaume Apollinaire s’enrôle à Nice dans l’armée française Chiens, chevaux, mulets, ânes, pigeons tués au front
Le 18 mars 1917, le cuirassé Le Danton part du port de Toulon pour rejoindre l’armée navale à Corfou, au large de la Grèce. Il est commandé par le capitaine JeanPaul Delage, qui, bien que né à Rochefort, est attaché au port de Toulon. Il y a été commandant des sous-marins. C’est pourtant à bord d’un navire de surface qu’il s’embarque ce jour-là. Il y a un millier de marins à bord avec lui. Il est escorté par le torpilleur Le Massue. La mer est calme. Vers 13 heures, alors que Le Danton arrive au large de la Sardaigne, un officier distingue le sillage d’un sous-marin. Un U64 allemand se trouve en effet à proximité. Branle-bas de combat. Le Danton tire un coup de canon au jugé.
Radeaux de fortune
Réplique immédiate du sousmarin : deux torpilles atteignent Le Danton à l’avant et au centre. Il commence aussitôt à couler. L’équipement électrique ayant été détruit, impossible de mettre les embarcations de secours à la mer. Dans l’affolement général, on s’active à constituer des radeaux de fortune. Beaucoup de marins se jettent à l’eau. Le 5 décembre 1914, le centre de recrutement militaire de Nice, situé à côté de l’Église du Voeu, voit arriver un homme de 33 ans désireux de s’engager dans l’armée française et partir à la guerre. Cet homme est poète : Guillaume Apollinaire. Il sera affecté par Nice au 38e Régiment d’infanterie de Nîmes. Apollinaire a passé toute sa jeunesse sur la Côte d’Azur, arrivé en 1887 à Monaco avec sa mère et son frère. Il a été élève en Principauté, puis aux lycées Stanislas à Cannes et Massena à Nice. Gonflé de l’envie de combattre, Apollinaire part donc pour Nîmes, laissant à Nice celle qu’il y a rencontrée et dont il est tombé amoureux, la célèbre Lou, dédicataire de poèmes magnifiques.
Tangages amoureux
Le Massue en récupérera un maximum. D’autres devront attendre l’arrivée du chalutier Louise-Marie, détourné sur le lieu. Certains nageront pendant sept heures. On dénombrera deux cent quatre-vingt-seize disparus. Les historiens de la Marine rapportent que le commandant Delage resta agrippé à la passerelle jusqu’au bout, en compagnie de certains officiers, et sombra volontairement en criant un « Vive la France ! » qui fut repris par des naufragés se débattant à proximité. L’épave du Danton en 2009. Mais, dans le train pour Nîmes, il rencontre Madeleine Pagès, futur professeur au lycée Calmette à Nice. Nouveau coup de foudre. Au milieu de ses tangages amoureux, le poète ne renonce pas aux affres du combat. a été retrouvée Il y va courageusement. Le 17 mars 1916, il est blessé dans une tranchée d’un éclat d’obus à la tempe en contrebas du Chemin des Dames. Évacué, trépané, il ira d’hôpital en hôpital, continuant à écrire, immortalisé par son ami Picasso dans le portrait de l’homme à la tête bandée… Peu de temps avant, il avait envoyé à Madeleine le poème L’Adieu du cavalier ,qui tourne la guerre en dérision en commençant par ce vers célèbre : « Ah, Dieu que la guerre est jolie!»
Les pigeons transportent des messages, ou partent en reconnaissance au milieu de la mitraille, photographiant les positions ennemies. Les chiens montent la garde ou partent chercher les blessés et les ramènent dans les tranchées.
Dès le début de la guerre, l’État réquisitionne chevaux et mulets pour porter, tirer, guetter, secourir… Le caporal Joseph Payan, frère du maire d’Entraunes, Césaire Payan, en parle dans son journal : « Le 3e régiment d’infanterie de Digne et la 29e division de Nice, constitués d’éléments venus des Bouches-du-Rhône, Corse, Var, Vaucluse et Alpes-Maritimes disposaient respectivement de 150 et 2800 chevaux pour tracter canons et véhicules, formant sur route, partant du Sud vers l’Alsace-Lorraine, un convoi s’étirant sur 13 km ». Les Chasseurs Alpins, qui crapahutent dans la montagne, font appel aux mulets, pour charrier hommes, munitions et nourriture sur des sentiers étroits et difficiles.
Un jeune colombophile toulonnais tué
Les chiens transportent les munitions, des messages et sont dressés pour aller chercher les blessés qu’ils ramènent dans les tranchées. Les pigeons, utilisés comme agents de liaison, font remonter des messages entre l’étatmajor et le terrain, d’autant plus quand les bombardements coupent les fils téléphoniques. Tous les pigeons sont baptisés et sous la responsabilité de colombophiles, souvent les plus jeunes du régiment, comme le Toulonnais, Pierre-Léon Lieutier, de la 77e division, au front à Aubigny-enArtois (Nord-Pas-de-Calais). Ce (Photos DR) jeune soldat de 19 ans est tombé le 12 mai 1915, sur ce champ de bataille, après un lâcher de pigeon. Les pigeons sont porteurs de messages d’importance stratégique. Tel Skipe, pigeon ordinaire, sans pedigree, qui a transporté plus de 52 textes, sans jamais être tué. Ou encore Le Vaillant, matricule 78715, qui, le 4 juin 1916, alors que le Fort de Vaux, près de Verdun, dans la Meuse, est encerclé, porte un dernier message du commandant, demandant une opération de dégagement. Malgré les tirs et les gaz asphyxiants, Le Vaillant parvient à délivrer le message au quartier général de Verdun, avant de mourir. Le Vaillant obtiendra une citation à l’ordre de la Nation et sera décoré de la Croix de Guerre 14-18. Une plaque commémorative a été apposée sur le Fort de Vaux en hommage à ce courageux pigeon et à ses congénères.