Un samedi soir sur la Prom’

On y est. Une première pour tout dire. Une première depuis... Depuis cette nuit cauchemar, ce camion fou. Un mois après. Il fallait bien. Retrouver ce paysage familier. Exorciser peut-être. Chasser d’un nouveau regard ces flashs « blacks », souvenirs désordonnés d’un bitume rendu glacial par la barbarie d’un seul. Chasser la peur qui a tout emporté en un claquement de doigts. Peur pour les siens, pour les amis, pour les collègues. Peur pour sa ville. Pour la société. Pour l’après. Tout est là. La vie, les baigneurs, les chaises bleues. Les coureurs. Les voitures. Les palmiers. La grande bleue dont l’horizon portait jadis tant de sérénité. Tout est là. Comme aux bons souvenirs de carte postale. Tout est là. Pourquoi, alors, ce sentiment profond d’être en dehors du cadre, sur un autre fuseau ? Au ralenti. Immobile. Il y a surtout cette gêne respiratoire, thorax compressé. Cette fragilité qui monte à la tête. Cette tornade de sentiments qui balaye le corps. Tout est là comme avant, mais les yeux, impressionnistes, vont chercher mécaniquement ces petites touches de deuil qui noircissent le tableau. Pour ne plus voir qu’elles. Inversion d’échelle. Tout est là comme avant, comme au temps de cette Prom’ qu’on gagnait au moindre prétexte. Une heure à perdre un dimanche en famille, avant ou après le déjeuner. Quelques galets jetés à la mer. Un midi de célibat, pan bagnat en bouche et ressac en fond sonore. Ou encore quand le besoin de retrouver des couleurs nous guidait ici, plongeant nos pensées dans ce bleu singulier, demi écrémé. Quand elle était, enfin, le théâtre incontournable des plus belles fêtes, intimes et collectives... Tout est là. Rien n’est plus pareil. Il faudra revenir.

(Photo Frantz Bouton)