Dans le secret d’une expertise

C’est durant ces échanges confidentiels et gratuits que les perspectives d’une belle vacation naissent. Entre quatre yeux que la fidélité d’un client se gagne. Dans l’écoute et le dialogue. Sans forcer la main, ni faire de plan sur la comète. Au feeling et au savoir-faire. En sachant dire stop au moindre doute et attendre une expertise approfondie et collégiale. « Un client mécontent, c’est plein de clients perdus », résume Marie Sanna-Legrand, directrice du département montres et horlogerie de collection d’Artcurial. En cet après-midi pluvieux à Monaco, l’ambiance est studieuse dans le salon Jardin d’hiver de l’hôtel Hermitage. Derrière la porte, deux tables. A gauche, Marie Sanna-Legrand et Eva-Yoko Gault, spécialiste vintage et collections. A droite, Thierry Stetten, expert en bijoux. Loupe d’horloger, balance, ou mouchoir blanc sous le coude, les experts reçoivent essentiellement sur rendez-vous. Habitués et néophytes de toutes nationalités défilent à la lumière des lustres.

« Je ne force personne à vendre »

Un couple de retraités expose un stock de vieilles montres Gousset. La discussion avançant, la dame de s’épancher. En confiance. « J’ai des objets de toilette de la reine Victoria, je pourrais revenir vous les présenter ... » Un acquiescement chaleureux l’invite à revenir. « Je ne force personne à vendre, ça me dérangerait de mal vendre une montre que quelqu’un a reçue après sa communion ou son mariage. Quand les clients ne sont pas à 100 % sûrs, je me retranche derrière la réflexion », confie Marie Sanna-Legrand. A l’autre table, les négociations sont âpres. Dans la langue de Shakespeare, une dame s’impose, fixe des prix planchers nets pour ses bijoux. Thierry Stetten prend note et pose les bases d’une future négociation. Dilemme en perspective mais le contact est noué. Tirée à quatre épingles, une autre dame va droit au but. Facture de 47 000 francs à l’appui, elle requiert une estimation de sa montre. La réponse fuse : «8à 15 000 euros ». Un bref rictus témoigne d’une déception. « Pourquoi si bas ? » « Parce que c’est Chopard, et que je ne peux pas vous la prendre et ne pas la vendre », réplique Marie Sanna-Legrand. Entre-temps, la directrice prend soin de demander l’avis à distance, sur photo, de son expert Romain Réa.

« C’est le hasard si je suis là »

A deux pas, un couple hésite à se séparer d’une pochette vintage. Estimée 1 000 euros par Eva-Yoko Gault, la pièce fait tergiverser madame, que monsieur incite à réfléchir tout en s’enquérant, en aparté, d’autres conseils auprès de l’expert en

La collection Turello en attendant les 10 ans

Artcurial étrennera une série de vacations de prestige, pour célébrer ses 10 ans à Monaco, en janvier 2016. Si les dates n’ont pas encore été fixées, la vente d’une partie de la collection de la famille Fratellini, en parallèle du 40e Festival international du cirque de MonteCarlo, fera assurément événement. D’ici là, une collection de photographies du résident monégasque, Amedeo M. Turello, sera dispersée le 27 octobre à Paris. Photographe de mode, Turello a constitué cette collection en mêlant ses deux passions, la photographie et la femme, dans « l’intention de célébrer ‘’la beauté classique de la muse éternelle’’ ». Débutée par une rencontre avec Maartje Hartkamp, veuve du photographe Bert Hartkamp, cette collection fait aujourd’hui l’objet d’un catalogue intimiste et flamboyant préfacé par l’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon. bijoux. Un Italien et ses deux chiens débarquent, eux, en habitués pour un check-up de trois Rolex et deux bagues. « Vous seriez vendeur en janvier ? », sonde Marie Sanna-Legrand. « Non, c’est juste une mise à jour... », lâche souriant le client. Après lui, un homme dévoile pudiquement une panoplie de montres. Sobres et charmantes, à son image. « C’est le hasard si je suis là, ça fait deux mois que je cherche à les faire expertiser. Sauf celle là, c’est à ma femme ! » (rires). Une à une, les toquantes sont auscultées. « Ça, je crois qu’on pourrait le passer au mois de janvier, ça vaut entre 5 et 8 000 euros », prédit Marie Sanna pour une montre à mécanismes apparents. « Ça, je ne sais pas du tout, je vais être très honnête », enchaîne-t-elle. Seul hic, chacune des montres est issue d’une commande spéciale et porte les initiales du potentiel vendeur... « Il faut mettre les gens en confiance et être humble. Le monsieur arrive avec ses montres et moi je ne sais pas vraiment ce qu’elles valent, lui n’en sait pas plus visiblement (...) Il faut essayer d’être aussi humble que lui qui apporte sa vie devant vous, vous la donne... », estime Marie Sanna-Legrand. La face humaine des enchères. Jean-Baptiste Mondino, né en 1949, Subway Angel (1997). Tirage couleur signé, titré, daté et numéroté au dos. Édition de 30 exemplaires (150 x 120 cm) estimée 12 000 – 14 000 euros.