Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Colère noire
Les avocats en grève ont manifesté en nombre, hier, devant le palais de justice de Nice. Face à la fronde nationale, Christiane Taubira a fait une concession majeure sur l’aide juridictionnelle
Les avocats en grève ont manifesté hier devant le palais de justice de Nice. Ils dénoncent le projet de réforme de l’aide juridictionnelle.
Taubira, démission ! » Une semaine après les policiers, c’était au tour des avocats, hier midi, de manifester devant le palais de justice de Nice. Autre profession, autres raisons. Mais une colère partagée. Dans le viseur des robes noires : le projet de réforme de l’aide juridictionnelle – l’AJ, l’indemnisation allouée à la défense des plus démunis – porté par Christiane Taubira. Confrontée à une fronde nationale qui s’amplifie, la garde des Sceaux a annoncé, hier, une concession majeure. « Le barreau en colère, Nice ne se laissera pas faire ! » Dans la capitale azuréenne, ils sont 140 à manifester selon la police, près de 200 selon le bâtonnier Valentin Cesari. « Ils sont remontés, et plus encore après les incidents à Lille », témoigne le porte-voix des 1 080 avocats niçois, au lendemain des incidents entre leurs confrères nordistes et la police. « Nous sommes en grève totale et illimitée, et j’appelle nos confrères à nous rejoindre. Tout est bloqué, toutes les audiences sont renvoyées. » Ce, au moins jusqu’à l’assemblée générale du conseil de l’ordre, prévue aujourd’hui à 17 h.
« On travaille à perte »
« On agit pour l’AJ ! » Hier à Nice, nulle tension entre robes noires et uniformes bleu. Juste l’indignation, une fois encore, après les mouvements de juillet et décembre 2014 sur le même sujet. « Nous sommes là pour la profession mais aussi les justiciables, tonne Me Benjamin Charlier, vice-président de l’Union des jeunes avocats. Aujourd’hui, l’aide juridictionnelle est portée à bout de bras par les avocats, qui sont indemnisés avec des montants dérisoires. Même si nous avons prêté serment pour défendre les plus démunis, il faut que nos cabinets puissent tourner et travailler dans des conditions correctes. Or ceux qui travaillent à l’AJ le font à perte ! » Christiane Taubira a prévu de revaloriser l’unité de valeur (24,20 € au lieu de 20 €), qui permet de calculer l’aide juridictionnelle. Problème : le nombre de ces unités est amené à baisser, et le montant de l’indemnisation avec, dénonce Me Charlier. « Exemples : pour un divorce sur lequel on touchait 675 €, on percevra 60 à 65 € de moins. Et une garde à vue à 300 € sera payée 180 € !»
Satisfaits mais prudents
Autre pomme de discorde : la taxation des produits financiers de la Carpa – la caisse des règlements pécuniaires des avocats – afin de sponsoriser l’aide juridictionnelle. « Pourquoi ne pas demander aux médecins de combler le déficit de la Sécurité sociale ? », ironise le bâtonnier désigné Jacques Randon, dénonçant « l’amorce d’un démantèlement de la part de l’Etat ». Hier, Christiane Taubira a fait un pas vers la profession, dont elle a reçu les représentants. Elle a annoncé renoncer à cette taxation, tout en rappelant que le gouvernement a régulièrment aumgenté le budget de l’aide juridictionnelle : de 275 M € en 2010, celle-ci est passée à 375 M € en 2015, puis 405 M € en 2016. Et de rappeler « la nécessité et l’urgence d’une réforme de l’aide juridictionnelle, pour assurer sa pérennité. » Satisfait mais prudent, le Conseil national des barreaux a appelé au maintien du mouvement, dans l’attente d’un engagement écrit.