« J’ai perdu % de mon chiffre d’affaires »
Les grossistes alimentaires pâtissent de la fermeture de leurs clients. Marchandises sur les bras, ils tirent la sonnette d’alarme et demandent les mêmes aides que les restaurateurs
Ils ne font pas l’objet d’une fermeture administrative et pourtant les grossistes alimentaires sont touchés de plein fouet par les effets de la crise sanitaire. Parce que leurs principaux clients (restaurateurs, cafetiers, bistrotiers) sont fermés depuis plus de trois mois, ils n’ont plus de débouchés pour leurs produits frais, surgelés et boissons.
« Nous perdons 95 % de chiffre d’affaires à chaque période de fermeture. Les 5 % qui restent sont les clients qui continuent à faire des livraisons ou de la vente à emporter, la restauration collective comme les écoles, les hôpitaux ou encore l’aéroport » indique Louis Bonifassi, gérant, avec son frère, de l’entreprise familiale du même nom, grossiste en boissons, fondée en 1888 et située dans la zone industrielle de Carros.
La société emploie 45 salariés et compte 900 clients dans les Alpes-Maritimes et Monaco.
Des charges fixes élevées
Un décret, publié le 28 janvier, accorde désormais aux grossistes ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 70 % une indemnisation jusqu’à 20 % de leur chiffre d’affaires de référence (plafonnée à 200 000 euros), et jusqu’à 10 000 euros pour une perte de chiffre d’affaires de 50 %. « On s’en réjouit, mais ça reste insuffisant. 200 000 euros ça ne correspond pas à 20 % de notre chiffre et les charges restent lourdes : nous avons des loyers élevés car on a besoin de beaucoup de surface pour stocker les marchandises, des frais de transport importants » poursuit le chef d’entreprise qui évalue ses pertes à huit millions d’euros depuis le début de la crise sanitaire. « Nous demandons à être indemnisés à partir de 20 à 30 % de baisse de notre chiffre d’affaires » plaide Fabrice Dubois, gérant de Promocash, grossiste en produits frais, épicerie, liquide et matériel pour professionnels. Située à Grasse, l’entreprise compte 200 clients, « des restaurants pour 60 à 70 % d’entre eux, des associations, quelques collectivités, des cantines de cliniques » et dix salariés.
Stocks qui partent à la poubelle
Pour s’en sortir, le dirigeant a mis une partie de ses dix salariés au chômage partiel et n’a pas remplacé certains départs.
« Nous souhaitons aussi que nos bailleurs puissent bénéficier d’un crédit d’impôt au même titre que les bailleurs des établissements fermés administrativement lorsqu’ils abandonnent un ou plusieurs mois de loyer » insiste le gérant qui est officiellement à la retraite depuis le 1er avril mais continue malgré lui car il ne trouve personne pour racheter sa franchise. Autre difficulté les marchandises avec une « date de durabilité minimale », mention qui n’a pas le même caractère impératif que la date limite de consommation.
« Légalement les produits sont propres à la consommation et peuvent être vendus. Malheureusement le consommateur n’en veut pas. Chaque jour c’est plusieurs centaines de milliers d’euros de marchandises qui partent à la poubelle. Il faudrait que le gouvernement communique là-dessus. En attendant, on l’offre aux sinistrés de la tempête Alex, aux associations, à la banque alimentaire. Mais il faut trouver des solutions » insiste Louis Bonifassi.
Le ministre de l’Économie saisi
La sénatrice Dominique Estrosi-Sassone a interpellé au début du mois le ministre de l’Économie Bruno Le Maire en lui demandant «de revoir les critères d’éligibilité au fonds de soutien pour ces professionnels et de les adapter sur le régime appliqué aux restaurants et aux bars qui sont leurs clients ». Requête restée sans réponse à ce jour.
« Les grossistes alimentaires représentent un maillon important de l’économie car ce sont eux qui fournissent les restaurants encore ouverts tant dans les restaurants d’entreprises mais également la restauration scolaire et hospitalière » rappelle la sénatrice dans un communiqué. MATHILDE TRANOY mtranoy@nicematin.fr