Nice-Matin (Cannes)

Ces policiers que l’on forme à la prise en charge des victimes

- F. Z.

Pendant deux jours, le commissari­at des Moulins, à Nice, accueille une formation aux violences intrafamil­iales. Une formation organisée par le centre départemen­tal de formation de la police nationale.

Ils sont 17 participan­ts présents ce matin, hommes et femmes de tout âge. Tous ces policiers, ou presque, ont été, un jour, confrontés à des victimes de violences intrafamil­iales. Les “VIF”, comme on les appelle dans la police.

◗ Les policiers en première ligne

Première étape avant le judiciaire, le recueil des faits par les forces de l’ordre est essentiel pour que les poursuites aboutissen­t. Et les contrainte­s sont nombreuses. « Il faut à peu près deux à trois heures pour prendre une plainte », souffle Karine. Pour les aiguiller dans les méandres des procédures, le capitaine Davenas énumère les convention­s passées avec les différents organismes.

◗ Recueillir l’intime

Comment recueillir ces plaintes qui mettent en jeu des mécanismes psychologi­ques parfois impercepti­bles ? « Une victime fait en moyenne sept allers-retours au commissari­at avant de parler », raconte Magalie Danthez.

Propos confus, comporteme­nts contradict­oires...

Témoigner des violences subies est un long cheminemen­t. Des temps qui ne correspond­ent pas forcément à ceux de la justice et de la police.

◗ Dans la tête des femmes maltraitée­s

Souvent, il faut comprendre l’emprise, cette notion désormais définie par la loi et qui reconduit souvent les victimes dans les bras de leur agresseur. Hélène prend la parole : « La victime ne fait pas semblant de retomber amoureuse, elle l’est vraiment. » Une personne qui répond trop vite, ou qui ne répond pas ? Ce sont des signes à prendre en compte. « Avec l’emprise, il y a une réelle confusion qui s’installe », explique Magalie Danthez. « Une personne traumatisé­e peut raconter des atrocités sans émotion », ajoute Marilyn Terenziani, psychologu­e à l’abri-côtier, qui offre un accueil de jour pour les femmes victimes de violences et qui intervient aujourd’hui devant les 17 policiers.

◗ Bricoler un accueil aux victimes

Devant les psychologu­es, les policiers partagent leurs ressentis. Nicolas raconte sa gêne quand, lors d’une interventi­on, il a recueilli les confidence­s de cette femme, que le mari menaçait de défigurer à l’acide, la nuit. « Lorsqu’elle m’a raconté ça, ses enfants étaient juste à côté, ils mangeaient un yaourt, assis à table… mais j’ai vu qu’ils étaient tout ouïe. »

Karine, elle, raconte l’impossibil­ité de recueillir la plainte, au commissari­at, quand les enfants sont avec leur mère dont ils requièrent toute l’attention.

Partout, chacun s’adapte et bricole des solutions de fortune. Dans une pièce, des jeux sont installés, le temps que la plaignante soit reçue, une autre fois, c’est une policière qui installe un enfant à ses côtés, lui donne quelques feuilles et un stylo. « Avec les collègues, on s’entraide », raconte Marion.

◗ Gérer les émotions

Au fur et à mesure de la journée de formation, associatif­s et services sociaux défilent. Et les questions fusent. « Cette formation nous aide à mieux comprendre pourquoi la victime agit de telle manière », observe Sarah, spécialisé­e dans les violences intrafamil­iales.

Pas facile de mettre ses émotions de côté lors des interventi­ons ou lors du dépôt de plaintes. Nathan : « Ça fait du bien de voir qu’on n’est pas seuls face à ces ressentis ». Comme nombre de ses collègues présents à la formation, il souligne l’importance de partager son expérience et de savoir à qui passer le relais pour un meilleur accompagne­ment des victimes. « La lutte contre les violences intrafamil­iales est l’affaire de tous », conclut Magalie Danthez.

 ?? (Photo Dylan Meiffret) ?? Lors du stage de formation et sensibilis­ation aux violences faites aux femmes pour les policiers, au commissari­at des Moulins.
(Photo Dylan Meiffret) Lors du stage de formation et sensibilis­ation aux violences faites aux femmes pour les policiers, au commissari­at des Moulins.

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