Les Bleus sans forcer leur talent
Malgré un score flatteur, le XV de France est apparu moins serein que d’habitude. Qu’importe : les Bleus terminent l’année 2022 invaincus, et enchaînent un 13e succès de rang. Historique.
FRANCE - JAPON : 35-17
Que voulez-vous, ma bonne dame ? Quand on vous a habitué à de longs tangos langoureux, éclairés à la lumière d’un spectaculaire coucher de soleil, il paraît toujours difficile de se contenter d’un mauvais madison au bal du village…
Mais hier, jouons carte sur table : oui, les Bleus se sont largement imposés, oui, les Bleus ont enchaîné une 13e victoire consécutive (record en cours) et oui, bien sûr, les Bleus terminent l’année 2022 invaincus, ce qui ne leur était plus arrivé depuis... l’après-guerre. Mais malgré toutes ces belles statistiques, on aura l’audace de prétendre que les joueurs de Fabien Galthié n’ont pas tout bien fait, hier devant un autoproclamé « meilleur public de France » particulièrement décevant. Et de la relance hasardeuse de Ntamack (21e), à la dizaine de ballons tombés (Alldritt, Lucu et à trois reprises Ntamack) en passant par ces deux essais encaissés en première main, les Tricolores ont même parfois semblé en manque de maîtrise. Surprenant, une semaine après être venus à bout des champions du monde sud africains, et alors que l’adversaire du jour paraissait franchement plus abordable ? Un peu, pour être honnête. « La météo a fait qu’on a eu pas mal de déchet technique. De fait, on aurait dû un peu plus serrer le jeu... Mais dans l’équipe, on a des joueurs qui aiment les espaces, qui veulent jouer les ballons, donc on a tenté deux/trois fois, mais ce n’était pas le bon moment », en souriait Jonathan Danty, conscient que son équipe a parfois fait d’étonnantes erreurs d’appréciation.
Mais ce XV de France a ça d’exceptionnel que, quand le collectif grince, et que certains cadres semblent avoir boutonné lundi avec mardi, d’autres individualités prennent le lead, et portent les Bleus sur leurs larges épaules. Ça a une nouvelle fois été le cas du capitaine Charles Ollivon (deux ballons volés en touche, un essai à la 36e et une activité incomparable) qui aura définitivement été le meilleur Français sur la tournée. Le cas, également, de Julien Marchand, sur une autre planète hier après-midi. Ou encore (et toujours) de Damian Penaud, auteur de deux essais (celui qui lançait les Bleus à la 7e, et celui du break à la 60e), qui a mené le XV de France vers la victoire. Alors, on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide ? Franchement, on va jouer la carte de l’optimisme !
Car même contrariés, et alors qu’ils ont fini par tomber dans le faux rythme du Japon, les Tricolores se sont malgré tout imposés. Et même assez largement, alors qu’à une époque pas si lointaine, avec cette météo et face à cet adversaire, les Tricolores auraient arraché leur victoire d’une pénalité à la dernière seconde. Dans le meilleur des cas...
Trois tests, trois leçons
On retiendra donc que cet automne, les Bleus ont appris. D’abord, face à l’australie, les ouailles de Galthié ont passé haut la main l’évaluation de « gestion de fin de match ». Ensuite, les petits Bleus se sont livrés à une leçon de self-défense, au cours d’une bagarre de rue de 80 minutes à peine dissimulée face aux champions en la matière : les Sud africains.
Hier, enfin, les joueurs de Fabien Galthié ont découvert une nouvelle notion : gagner moche, sans pour autant se sentir en danger. Une aubaine, à dix mois d’une Coupe du monde que les Bleus aborderont sans nul doute dans la peau du grandissime favori, et dont tout le monde voudra se payer la tête. De fait, avoir la certitude que ses Bleus ne savent plus perdre apparaît quand même rassurant, n’est-ce pas ? Et puis bon, tant pis pour le tango : l’important, c’est que le XV de France continue de danser. Encore et encore.