Stratégies thérapeutiques
POUR LE CANCER DE LA PROSTATE
L’arsenal thérapeutique s’est enrichi ces dernières années, notamment pour cibler les cancers métastatiques, améliorant nettement le taux de survie des patients.
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent, à la fois chez l’homme et dans l’ensemble de la population. II reste néanmoins rare avant 50 ans ; son incidence augmente ensuite régulièrement. Dans l’immense majorité des cas (97 %), il s’agit d’un adénocarcinome, une tumeur constituée à partir des cellules épithéliales de la prostate (celles qui constituent le tissu de revêtement de la glande). Un dosage de PSA (un antigène spécifique de la prostate), un toucher rectal, voire un IRM, puis une biopsie donnent à l’urologue les arguments pour évaluer la gravité du cancer et choisir, parmi un vaste arsenal thérapeutique, une stratégie ciblée qui dépend non seulement du type de cancer, local ou métastasé, mais aussi de nombreux autres critères dont l’âge du patient ou le risque de récidive. Mais avant d’évoquer les principales options disponibles, les Drs Olivier Alenda, urologue, et Jean-françois Berdah, oncologue, co-organisateurs du congrès Onco Urovar qui se déroulait à Toulon les 30 septembre et 1er octobre derniers, rappellent ce qu’il ne faut surtout pas perdre de vue. « Une prise en charge la plus précoce possible de ce cancer fréquent est la meilleure garantie de guérison, insistent-ils. Et pour cela, le dépistage, qui reste individuel, doit être proposé au patient en lui indiquant dès le départ toutes les informations pour qu’il comprenne, en cas de cancer avéré, que sont en jeu des options très diverses, avec des traitements plus ou moins radicaux. »
Une grande majorité de cancers localisés
La très grande majorité de ces cancers sont détectés à un stade local, environ 10 % sont d’emblée à un stade métastatique.
« Dans le cas d’un cancer prostatique dépisté à un stade précoce, avec une agressivité faible à l’instant T, une invasion modérée dans la glande, la stratégie peut consister à mettre en place, après discussion avec le patient, une surveillance active, avec une réévaluation régulière, indiquent les deux spécialistes. Attention, cela ne veut pas dire que le cancer ne va pas devenir plus agressif, mais qu’on a du temps pour adapter des stratégies plus ou moins agressives. Dans 30 % des cas, dans un délai moyen compris entre 7 et 10 ans, c’est malheureusement ce qui se produit : le patient va alors sortir de la surveillance active pour suivre un traitement adapté à l’évolution de la tumeur. »
Focus sur les principaux traitements
Pour les cancers localisés, la chirurgie est l’option la plus souvent proposée aux patients les plus jeunes, car, explique le Dr Alenda, « elle permet de garder en réserve des cartes thérapeutiques, comme une radiothérapie de rattrapage, si le cancer a été sous-évalué ou progresse malgré la chirurgie ». La radiothérapie reste le standard pour des patients plus âgés, ou avec une contre-indication à la chirurgie. La curiethérapie (une irradiation au contact ou à l’intérieur même de la tumeur) est réservée à des indications très précises (cancer peu avancé, petite prostate).
La radiofréquence et la cryothérapie seulement «aucasparcas»
Avec cinq ans de recul, les deux médecins estiment que le traitement focal (qui consiste à détruire seulement la zone atteinte au moyen d’une sonde endorectale par radiofréquence ou par cryothérapie) en laissant le reste intact ne peut être recommandé, excepté de façon très sélective, pour certains patients, « vraiment au cas par cas ». «Ce n’est pas un traitement curatif de première intention », constate le Dr Alenda. Quand le cancer n’est plus strictement local, hormonothérapie, chimiothérapie ou radiothérapie métabolique offrent des options multiples.
« L’hormonothérapie est l’un des traitements de référence dans ce cas. La glande, rappelle le Dr Berdah, est nourrie de testostérone. Sa suppression, par des injections régulières, tous les 3 à 6 mois, améliore le pronostic et le taux de survie dans le cas des cancers avancés ou métastatiques. »
Des nouveautés
« Depuis 2017, un complément par hormonothérapie de nouvelle génération (sous forme de comprimés), associé aux injections trimestrielles ou semestrielles, améliore encore de façon très significative la survie des patients, avec, précise le médecin, une qualité de vie peu altérée. »
À un moment donné cependant, les hormones diminuant, le cancer peut devenir moins hormono-dépendant, voir hormono-résistant. L’oncologue dispose alors d’une autre carte : la chimiothérapie, qui peut être utilisée à tous les stades de la maladie métastatique. « Les séquences thérapeutiques permettant d’additionner au fil du temps hormonothérapie de nouvelle génération et chimiothérapie, le temps de contrôle de la maladie s’en trouve ainsi augmenté », indique le Dr Berdah.
Autre option encore pour ces cancers hormono-résistants, les thérapies ciblées (inhibiteurs de PARP), des comprimés qui seront remboursés dans les prochains mois et qui s’adressent aux patients avec une mutation génétique BRCA – entre 9 et 20 % des malades métastatiques résistants aux hormones (lire par ailleurs).
Espoirs et déceptions
Dernière nouveauté, la radiothérapie métabolique : « On injecte un isotope radioactif de courte vie (le lutetium) qui a la capacité de se fixer sur les métastases parce qu’il est couplé à une molécule (PSMA) qui cible les cellules prostatiques à l’origine des métastases. Cela n’a pas encore guéri de patients, mais c’est une arme supplémentaire contre des cancers à un stade résistant », résume le Dr Berdah.
A contrario, l’immunothérapie se révèle, pour l’heure, décevante. « Cela ne fonctionne pas dans le cas du cancer métastatique », informent les Drs Berdah et Alenda. Mais globalement, et c’est encourageant, « depuis dix ans, on a développé un arsenal avec 7 ou 8 molécules qui a démontré une amélioration nette de la survie chez des patients métastatiques. Ce qu’on n’avait jamais vu avant dans le cancer de la prostate ».
Dans certains cas, très rares heureusement, il arrive que le cancer ne soit pas un adénocarcinome mais un cancer indifférencié, extrêmement agressif, souvent localement avancé et parfois même déjà métastatique au point que la glande ne produit plus de PSA. D’où l’importance du toucher rectal pour compléter le dépistage : dans ce cas précis, il sera très suspect.
Chirurgie
La chirurgie de la prostate ne rend pas impuissant. « Trop de patients pensent que l’opération de la prostate implique impuissance et incontinence et veulent échapper à la chirurgie coûte que coûte, quitte à voir la maladie évoluer rapidement, regrette le Dr Alenda. Aujourd’hui, avec les techniques chirurgicales dont nous disposons, on n’a plus les effets indésirables décriés il y a quelques années. On arrive à conserver les fonctions urinaires et sexuelles. »
« Une prise en charge la plus précoce possible est la meilleure garantie de guérison »