La semaine vagabonde de Denis Carreaux
« Avec un simple postit, Emmanuel Macron réussit à faire le buzz. Une affiche de campagne avant l’heure. »
Lundi
Pouvoir informer. La nouvelle ne fait pas encore les gros titres et les indignations semblent bien paresseuses. On apprend que l’animatrice niçoise de M6 Ophélie Meunier et un des protagonistes d’un documentaire de Zone interdite sur le danger de l’islamisme radical sont placés sous protection policière. Tous deux ont reçu des menaces sérieuses à la suite de ce reportage, dans lequel on voit notamment un magasin de Roubaix qui vend des poupées sans visage sous prétexte que le Coran interdit les représentations figuratives. Au-delà du danger qui pèse sur les journalistes, ces menaces interrogent sur la capacité de la presse à continuer de montrer la réalité quand elle dérange. Objet d’appels au boycott dès la diffusion des premières bandes-annonces, le documentaire de M6 n’a pas fait l’objet d’opérations de promotion, par souci de discrétion. La prochaine fois, un tel reportage restera-t-il dans les cartons de la chaîne ?
C’est le risque. Celui de ne plus informer.
Mardi
La stratégie du post-it. « Ouverture du pass culture aux 15-16-17 ans. Fait. E. M. » Avec un simple post-it, Emmanuel Macron réussit à faire le buzz. Vue, likée ou raillée, la photo d’un morceau de bureau du Président enflamme les réseaux sociaux. Autour du fameux post-it consciencieusement collé sur un maroquin noir, on trouve plusieurs objets dont la symbolique pourra être interprétée à l’envi : une montre aux couleurs de la France qui ravira les patriotes, un manga (One Piece) laissant entendre aux jeunes que le Président a les mêmes lectures qu’eux et des livres qui parleront aux plus âgés : les Mémoires de De Gaulle dans l’édition de la Pléiade, un ouvrage de l’historienne Hélène Carrère d’encausse, les entretiens d’hubert Germain, le dernier Compagnon de la Libération disparu. Avec cette photo, Emmanuel Macron montre en tout cas qu’il entend ratisser très large. Une affiche de campagne avant l’heure.
Mercredi
Taubira recalée à l’oral. Trois jours après avoir remporté avec la mention Bien + une primaire populaire taillée sur mesure pour elle, la nouvelle candidate de la gauche se prend déjà les pieds dans le tapis. Conviée à un grand oral sur la question du logement par la Fondation Abbé Pierre, Christiane Taubira hésite, bafouille et s’enfonce. La sanction est immédiate. Le public, invité à évaluer les candidats à la présidentielle qui viennent s’exprimer devant lui, torpille son intervention. « Flou », « brouillon », « blablabla » : les mots sont aussi cinglants pour Christiane Taubira qu’élogieux à l’égard de Jean-luc Mélenchon. Comme quoi, même avec une aura et du charisme, une campagne présidentielle ne s’improvise pas.
Jeudi
Balkany show. Quelques heures après avoir appris la révocation de son placement sous bracelet électronique, Patrick Balkany, chaussettes violettes assorties au chemisier de la journaliste Apolline de Malherbe, reçoit BFM TV dans l’intérieur douillet de son manoir de Giverny. Son bracelet a souvent sonné ? C’est parce qu’il sortait récupérer les lettres recommandées du juge, ou des colis Amazon ! L’ex-maire de Levallois se justifie, déplore de ne pas avoir pu sortir plus de quatre heures par jour sur sa terrasse cet été à cause de ce fichu bracelet qui n’est, rappelons-le, pas un accessoire de mode, mais bien un instrument de détention à domicile. Cet après-midi, son épouse Isabelle a fait une tentative de suicide. Elle l’a annoncé elle-même sur Twitter. Détresse profonde sur fond de maladie ou opération de com’ grossière ? Avec les Balkany, on ne sait jamais vraiment. Sur les réseaux sociaux, les internautes crient au voyeurisme et à l’indécence. Une chose est sûre, cette interview aura fait de l’audience…
Vendredi
Après le dieselgate, l’hybridegate ? Mille kilomètres en deux jours au volant d’une voiture hybride rechargeable, et impressions mitigées. Cette technologie est désormais aussi vendue que le diesel. Une bonne nouvelle pour l’environnement ? Pas si sûr. Autorisant une cinquantaine de kilomètres en mode tout électrique, l’hybride rechargeable est géniale en ville ou pour de courts trajets. Mais sur route et autoroute, on déchante vite à cause… des batteries. Lourdes, elles entraînent une surconsommation importante et génèrent davantage de pollution que des voitures classiques. Encombrantes, elles réduisent la taille du réservoir, nécessitant de fréquents arrêts à la pompe. Alors que le gouvernement encourage l’achat d’hybrides rechargeables à coups de bonus écologique et d’exemption de taxe sur les voitures de sociétés, des voix commencent à s’élever contre cette technologie en vogue.
Anne Lassman-trappier, présidente de France Nature Environnement Haute-savoie et auteur de L’éco-guide de l’automobile, parle carrément d’hybridegate. Elle affirme notamment que dans la vraie vie, ces véhicules
« émettent jusqu’à quatre fois plus de polluants que dans les tests d’homologation » réalisés en laboratoire. Un constat partagé par l’union européenne, qui annonce ce soir ouvrir une réflexion sur le sujet. Affaire à suivre.
Samedi
Un seul être vous manque. Ils sont perdus, déboussolés. Dans l’attente de la déclaration de candidature d’emmanuel Macron, les candidats à la présidentielle tournent en rond. Yannick Jadot piétine, Jean-luc Mélenchon et Éric Zemmour s’agitent, Valérie Pécresse gaffe, Marine
Le Pen regarde partir ses amis et Anne Hidalgo ses électeurs. Pendant ce temps, l’hôte de l’élysée tourne comme un lion en cage. Tellement impatient de se lancer dans une arène électorale qui n’attend plus que lui, Emmanuel Macron ronge son frein en soignant sa stature internationale et en peaufinant sa stratégie. Celle d’une campagne express à la fois intense, violente et détonante dont il entend, en bon maître des horloges, dicter le calendrier.