« La cohabitation avec le loup est impossible »
Vincent De Sousa, éleveur à l’affirme : « Chaque année, je perds 10 % de mon troupeau. » « Je ne demande pas la charité, je veux vivre de mon travail », plaide-t-il.
Vincent De Sousa, 37 ans, berger « depuis toujours » ,estàla tête d’un troupeau de 180 bêtes, à Levens. Une vocation née au contact d’un voisin de ses parents, éleveur du côté d’aix-enprovence, et de l’envie de « créer quelque chose avec du vivant » ,en l’espèce, du fromage. Une passion contrariée par la prédation du loup. « Chaque année, je perds 10 % de mon troupeau. La dernière attaque remonte à décembre », se souvientil tout en jetant un oeil à ses brebis en train de paître en contrebas, aux Millans, colline de Levens où il les emmène chaque jour jusqu’au coucher du soleil.
« Les brebis descendent manger dans les barres rocheuses. Ce jourlà, l’une d’elles a dû mettre plus de temps que les autres à remonter. Elle a été attrapée à ce moment-là. J’ai retrouvé le cadavre. C’est un miracle. La plupart du temps, on ne retrouve pas les mortes. Et j’ai arrêté de passer trois jours à les chercher, parfois pour rien. »
« On est armés jour et nuit »
Un cadavre nécessaire à l’obtention d’une indemnisation de l’état, qui oscille entre 220 et 650 euros. « Une brebis me rapporte 1 500 euros de chiffre d’affaires dans l’année. Je ne demande pas la charité. Je veux vivre de mon travail et qu’on reconnaisse mon travail » ,insiste celui qui est aussi vice-président du syndicat des Jeunes agriculteurs des Alpes-maritimes.
Les premières attaques dont il a été victime remontent à 2015. « Cette année-là, j’ai perdu 19 % de mon troupeau. On ne dormait pas. » C’est depuis cette date qu’il a acquis des chiens de protection. Des patous. Deux actifs, Nawak et Game, et un bébé, en cours de dressage, encadrent le troupeau aux côtés de Sepia et Costi, les deux chiens de guidage. « C’est ce qu’il y a de plus efficace. Ils ont l’ouïe et l’odorat hyper développés et sont là 24 heures sur 24. Mais quand vous êtes dans un milieu embroussaillé comme celui-là, le loup arrive parfois à déjouer les chiens. 75 % des attaques ont lieu le jour. La nuit, les bêtes sont parquées. » Pour se prémunir des attaques, « il y a le gardiennage. Le collier GPS autour du cou des animaux (et relié à une application pour smartphone) aide à savoir ce qu’il se passe pour intervenir rapidement ». Et la carabine. « Ce qu’on voudrait, c’est ne pas avoir à s’en servir, insiste Vincent De Sousa. On est armés jour et nuit, pour continuer à faire notre métier. Je n’ai pas la passion des armes. Je ne suis pas chasseur. »
« Le loup, pour les éleveurs, ça représente des emmerdes. Parce qu’on a l’angoisse permanente qu’il attaque. Vous avez des avortements, des pertes de fertilité chez les brebis. Ça fait beaucoup de paperasse à remplir. Le loup a aussi précipité l’éclatement des familles. Parce que vous êtes toujours dehors, vous ne dormez plus à la maison. Les moutons, c’est notre revenu. Si on se les fait bouffer, qu’est-ce qu’on donne à manger à nos enfants ? »
« Il faut arrêter de nous dire ce qu’on doit faire et ne pas faire »
La cohabitation, prônée par certains ? « Elle est impossible. Il faut arrêter de nous dire ce qu’on doit faire et ne pas faire. On a des gens qui se proclament spécialistes du loup alors qu’ils ne sont spécialistes de rien du tout. Nous, éleveurs, on fait des études de vulnérabilité. On s’est remis en question. On a tous changé nos habitudes. On a demandé une étude à l’échelle d’une meute, appliquée à deux ou trois zones des Alpes-maritimes, faite avec les gens qui vivent sur le terrain et du terrain. On aimerait par exemple comprendre comment attaquent les loups. Dans une meute, un ou deux attaquent. Que font les autres ? On n’a pas de réponse. L’état n’a pas les moyens de la politique du loup. Le loup descend, mais vous ne le savez pas. Il fait des incursions, mais tant qu’il ne mange pas des proies familières, vous ne savez pas où il avance exactement. »