L’homme aux clés d’or s’est ouvert la porte du paradis
Jean Carletto est décédé le 27 octobre à 82 ans. Durant sa carrière au Sofitel Le Méditerranée il en était devenu le concierge aux clés d’or. Son fils, majordome au Majestic, se souvient...
Il est parti soudain, sans crier gare. Lui qui avait gravi de nombreux échelons dans sa profession, a malencontreusement chuté d’un escalier. C’était lundi 26 octobre, alors qu’il allait chercher du bois dans sa cave au petit matin. Grièvement blessé à la tête Jean Carletto, 82 ans, a encore trouvé la force de marcher pour remonter au rezde-chaussée de sa maison grassoise, escorté par les pompiers. Mais le diagnostic hospitalier était déjà pessimiste : deux lourdes fractures aux cervicales ( «le coup du pendu »). Une opération urgente et délicate, dont le malheureux ne se remettra pas, après être tombé deux fois dans le coma. La fin d’une vie entièrement consacrée au service des autres, pour le bien-être de sa famille.
Cannois pur jus
Malgré les restrictions dues à la pandémie Covid-19, ils étaient très nombreux à lui témoigner de leur amitié mardi 3 novembre, lors des obsèques célébrées en l’église des Chênes à Grasse.
Anciens clients, ex-collègues, voisins et proches ont voulu saluer une dernière fois celui dont l’entregent avait fait merveille dans son métier. L’hôtellerie, Jean s’y était pourtant engagé davantage par nécessité que choix. Ce Cannois pur jus, dont les grands-parents suquettans étaient respectivement quincaillier et tapissière, avait quitté l’école très tôt pour subvenir aux besoins des siens, alors que son père était gravement malade.
Ascenseur social
Premier emploi à 16 ans : liftier à La Réserve Miramar, un petit hôtel sur la croisette. Mais aussi un ascenseur social et hiérarchique que Jean ne manquera d’exploiter au mieux. Chasseur-bagagiste, le voilà qui est débauché par le Sofitel Le Méditerranée (devenu Radisson Blu). « Il était très sympa et avenant avec les clients, et il s’est investi à fond dans l’hôtellerie » , témoigne sa femme RoseMarie. À tel point que le jeune employé devient rapidement l’homme de confiance du patron, dans tous les domaines et pour n’importe quelle tâche : « à chaque fois qu’il fallait engager de grands travaux, le patron lui disait : allez Jean, tu vas t’occuper de tout ça ».
Consécration
Et puis Jean ne ménage pas sa peine pour satisfaire ses protégés. « Une nuit, il a fait l’aller-retour à Genève pour ramener la Rolls-Royce d’un client », se souvient son fils Gilles, qui a brillamment suivi l’exemple paternel (voir encadré). Dans les années 1980, ce professionnalisme trouve toute sa reconnaissance : le voilà concierge aux clés d’or, parrainée par la confrérie des palaces. Cinquante-deux années de mariage avec Rose-Marie, qu’il avait connue dès l’école (« une belle aventure, même s’il y a eu forcément des disputes. Il était très gentil, mais un peu rude »), mais aussi trente-cinq ans de fidélité au Sofitel Le Méditerranée, jusqu’à sa retraite bien méritée dans les années 1990. Sa disparition est aussi soudaine que brutal, même s’il repose désormais auprès de ses parents au cimetière du Grand Jas. Nul doute que là-haut, Jean doit bénéficier d’un confort à la hauteur de son dévouement hôtelier.