Axel Kahn : « On va se débarrasser de ce virus »
Scientifique, médecin, essayiste et président de la Ligue nationale contre le cancer, Axel Kahn nous a fait part hier soir de son analyse sur la crise de la Covid-19. Ses doutes, son agacement mais aussi ses certitudes transparaissent à travers ses réflexions dont ressort ce cri d’alarme : à cause du manque de prise en charge lié aux déprogrammations, le nombre de morts du cancer va inévitablement s’aggraver dans les années à venir...
1. Trop tôt pour sortir du confinement
« Il est beaucoup trop tôt pour déconfiner. Il y aura une décélération de l’épidémie, mais c’est normal. Chaque fois que l’on diminue les interactions physiques, on diminue évidemment les contaminations. D’une part le couvre-feu et d’autre part le confinement devraient diminuer le flux viral et ils l’ont fait puisque le taux de contamination est à 0,93. Mais c’est insuffisant. La stratégie victorieuse, c’est ce que l’on a fait en mars : confiner de manière rigoureuse jusqu’à ce que l’on ait effondré la circulation virale et ensuite, par les mesures barrières et une bonne gestion du dépistage, du traçage des contacts, éviter qu’elle ne remonte. Je suis optimiste. On va se débarrasser de ce virus. Avec la vaccination, on va énormément réduire la circulation virale et on pourra parvenir à une immunité collective. »
2. Il fallait confiner avant
« Je ne suis pas favorable au confinement en soi. Plutôt à ce que l’on donne la possibilité aux commerces et aux industriels de pouvoir ouvrir au mois de décembre parce que pour beaucoup d’entre eux, l’année dépend de ce mois de décembre. Il aurait été préférable de faire baisser la circulation du virus et donc de confiner avant et sans doute de manière un peu plus stricte. Maintenant, il faut essayer de sauver cette période de Noël et pour cela, pas question de baisser dès aujourd’hui le niveau de confinement. »
3. Gare au non-respect des consignes
« Les réserves aux conseils des autorités médicales sont plus importantes en France que partout ailleurs. Durant la crise, c’est la France qui a connu la reprise épidémique la plus importante par million d’habitants, et c’est là où les morts ont été les plus nombreux parce que le niveau de nonrespect des conseils y a été plus important que partout ailleurs. De la même façon, je crains que notre pays soit le plus réticent à la vaccination. »
4. Non au confinement sélectif
« Ça n’a marché nulle part et cela soulève des problèmes constitutionnels et éthiques. Au mois de mars, lorsque l’épidémie a augmenté, les personnes âgées dans les Ehpad étaient totalement confinées et sont tombées comme des mouches. Si on veut protéger les personnes, il faut le faire avec les moins fragiles et les plus fragiles. Il n’y a pas d’autre possibilité. »
5. Le mauvais exemple de la Suède
« Dans ce pays, on a décrété qu’il fallait que l’activité continue. Et dès que la mortalité a augmenté chez les personnes âgées, les autorités ont tout mis sous cloche. Le résultat est qu’il y a cinq à dix fois plus de morts par million d’habitants en Suède que dans tous les pays avoisinants. Cerise sur le gâteau, l’immunité collective n’est évidemment pas atteinte et l’économie est plus touchée que dans les pays limitrophes. S’il y a un exemple à ne pas suivre, c’est bien celui-là. »
6. Attention aux autres malades
« Lorsque la première vague nous est tombée dessus, il a fallu nous adapter notamment pour la poursuite du traitement des personnes atteintes de cancer. Je m’attendais, comme la deuxième vague était prévue dès le mois d’août, à ce que l’on se prépare à soigner les personnes atteintes de formes graves de Covid, mais aussi à continuer de soigner correctement celles affectées par des maladies plus graves, plus durables, plus anciennes. Le cancer fait 156 000 morts par an et l’on est sûr que la diminution de la qualité de prise en charge durant ces deux vagues des personnes qui en sont atteintes, créera des milliers de morts supplémentaires, jusqu’à 8 000 peut-être, dans les cinq ans qui viennent. Il y a des dizaines de milliers de retards de diagnostics, d’opérations annulées, etc., et donc des dizaines de milliers de personnes qui sont concernées. »
7. Une préférence pour le vaccin chinois
« Il est le plus avancé de tous puisqu’il va commencer à être administré à toute la population marocaine et qu’une autre vaccination va débuter aux Émirats arabes unis. Le vaccin BioNTech/Pfizer, lui, ne sera sans doute pas disponible avant la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Lequel suis-je prêt à me faire injecter ? Le chinois sans aucun problème. Il s’agit de virus inactivés et donc d’une méthode extrêmement classique et éprouvée. Il n’y a aucun problème. »
8. Vaccination obligatoire : une mauvaise idée
« Ça ne me choque pas, mais c’est une mauvaise idée quand on voit l’extraordinaire réticence en France à se plier aux contraintes sanitaires, l’état de non-réceptivité et de contestation de toutes les recommandations des autorités, médicales, scientifiques ou étatiques. Je crois que la réaction qui serait provoquée par une telle obligation ne permettrait pas d’atteindre le même niveau de protection qu’une persuasion par des gens... persuasifs. Moi par exemple. »