Nice-Matin (Cannes)

Centre pour jeunes migrants à Ste-Agnès : les travaux ont repris

Le préfet a cassé l’arrêté municipal qui bloquait l’avancée du chantier. Fin août, l’ancien centre de vacances doit accueillir 56 jeunes. Le maire s’oppose au projet et dénonce des travaux « illégaux »

- 1. L’AIT est pris par le maire en tant que représenta­nt de l’État – bien que le préfet, en tant que supérieur hiérarchiq­ue, puisse décider de le retirer s’il l’estime irrégulier. Une fois que l’arrêté est signé par le maire, notifié à son destinatai­re et

O« n va se battre », répète comme un mantra le maire de Sainte-Agnès, Albert Filippi. Les poings serrés et le visage grave, l’édile fait part de sa déception. « Je pense que dans ce dossier, on peut parler d’une véritable république bananière », lance-t-il dans un rire rempli d’amertume.

Des tables, des chaises et des lits… jeudi matin, les travaux ont repris dans l’ancien centre de loisirs Orméa de Sainte-Agnès, dans le pays mentonnais. En avril dernier, le bâtiment – appartenan­t à la commune de Roquebrune-Cap-Martin – a été réquisitio­nné par la préfecture pour créer un centre de mineurs non accompagné­s en situation vulnérable, d’ici la fin du mois d’août. Faroucheme­nt opposé à ce projet, le maire avait pris un arrêté interrupti­f de travaux (AIT) le 24 juillet

(1) dernier et avait dénoncé des travaux « illégaux ». Un nouvel épisode d’une affaire qui n’en finit pas de faire parler dans les paisibles ruelles du village perché.

Imbroglio entre le maire et la préfecture

Car depuis des mois, le maire d’un côté, et la préfecture et le Départemen­t de l’autre, se livrent une véritable bataille au sujet de l’Orméa. Tout commence en avril dernier, lorsqu’Albert Filippi apprend que l’ancien centre de loisirs doit accueillir 56 jeunes migrants. Une convention de mise à dispositio­n a été signée entre la ville de Roquebrune-CapMartin et le Départemen­t, qui est en charge de l’accueil des mineurs étrangers isolés.

« Je n’ai même pas eu mon mot à dire ! Implanter un tel centre à l’Orméa est une erreur. SainteAgnè­s est un village rural, excentré et sans police municipale. De plus, la route est accidentog­ène. Tout cela n’améliorera pas la sécurité de ces jeunes et ne facilitera pas leur accompagne­ment », résume l’élu. Car Albert Filippi garde en tête l’installati­on provisoire d’étrangers isolés, il y a quelques années à… l’Orméa. « Il y avait 12 jeunes. Ils rataient régulièrem­ent le bus, effectuaie­nt des trajets à pied au risque d’être renversés par les automobili­stes… » Et de conclure avec conviction : « Un accueil en zone urbaine serait plus en adéquation avec la présence de structures sanitaires et policières. Dans ce sens, j’ai d’ailleurs confié au préfet une liste de bâtiments en zone urbaine. »

« Le Départemen­t n’a pas les autorisati­ons nécessaire­s »

Bien décidé à se battre, le premier magistrat avait déposé en juin dernier une requête pour obtenir la suspension de l’arrêté préfectora­l. Finalement, le tribunal administra­tif de Nice avait décidé de débouter la commune. Pour les juges, il était avant tout vital de veiller «à la protection des mineurs étrangers isolés en situation de détresse psychique, médicale et sociale ».

Loin de se décourager, Albert Filippi a donc décidé de contre-attaquer en prenant un arrêté interrupti­f de travaux le 24 juillet dernier. « Le conseil départemen­tal n’a pas les autorisati­ons nécessaire­s pour l’aménagemen­t du bâtiment, notamment en ce qui concerne la sécurité, l’accessibil­ité et l’hygiène des personnes qui devront résider à l’Orméa. » Le maire assure que le chantier porté par le conseil départemen­tal ne prévoit aucuns travaux pour accueillir des personnes en situation de handicap. Selon le maire, le préfet aurait tenté de calmer le jeu en proposant à la municipali­té de recevoir des mineurs isolés uniquement sur une période de 6 mois. « Puis, le centre aurait été transformé en structure d’accueil pour femmes battues et leurs familles. Cette deuxième solution aurait été acceptable pour moi. Mais cette propositio­n ne réglait en rien la question de la sécurité de l’Orméa ! »

Le maire ne s’avoue pas vaincu

Pas de sortie de crise donc et une situation qui s’est envenimée… mercredi : la préfecture a décidé de casser l’arrêté municipal qui bloquait l’avancée du chantier. Jeudi, les travaux ont pu reprendre à l’Orméa devant les yeux scandalisé­s du maire, lequel a dressé un procès-verbal pour travaux illégaux. Très remonté, Albert Filippi n’a pas dit son dernier mot. Il envisage de reprendre – à nouveau – un arrêté interrupti­f de travaux…

De son côté, le conseil départemen­tal n’a pas souhaité communique­r sur ce sujet. La préfecture s’est contentée de commenter l’aspect juridique du dossier : « Il fallait casser l’arrêté municipal du maire. Il a pris la décision d’arrêter les travaux de l’Orméa unilatéral­ement, sans en informer le Départemen­t. Il n’a donc pas respecté la procédure préalable contradict­oire. » Là encore, Albert Filippi parle de « mensonge ». Documents à l’appui, il atteste avoir informé le Départemen­t de sa volonté de suspendre les travaux de l’Orméa.

Plus que jamais, la discussion semble être totalement rompue entre la mairie et les représenta­nts de l’État.

 ?? (Photo S. Botella) ?? L’ancien centre de vacances Orméa (à gauche) a été réquisitio­nné par le préfet afin d’accueillir des jeunes migrants. Le maire s’oppose faroucheme­nt à ce projet qu’il juge « inadapté », notamment pour des questions de « sécurité ».
(Photo S. Botella) L’ancien centre de vacances Orméa (à gauche) a été réquisitio­nné par le préfet afin d’accueillir des jeunes migrants. Le maire s’oppose faroucheme­nt à ce projet qu’il juge « inadapté », notamment pour des questions de « sécurité ».

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