Nice-Matin (Cannes)

La Verrerie du Val de Pôme souffle un vent d’inspiratio­n

Aujourd’hui, rendez-vous dans l’atelier créé par Daniel Saba et repris par son fils Christophe...

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr 1. Fonction consistant à enfourner des arches, pièces finies.

Tous les samedis, nous vous proposons une série mettant à l’honneur le savoirfair­e transmis entre génération­s. Des histoires et des familles. Des noms que vous connaissez sûrement. Des patronymes qui font écho à une ville, à un métier, à une identité.

Tout part du corps, du coeur. Une grande inspiratio­n avant l’expiration insufflant l’inédit. Une immense bouffée d’air maîtrisée. Un souffle donnant vie à la beauté de la technique. Être verrier, c’est ça. C’est aussi affronter la chaleur en oeuvrant avec délicatess­e. Comme tous les matins, au sein de La Verrerie du Val de Pôme, l’heure est à la fusion dès que la petite aiguille chatouille le chiffre huit. Le bruit sourd du four et de la soufflerie comme bande-son originale, Daniel Saba, 71 ans, pose un oeil expert sur les pièces prenant forme dans l’atelier qu’il a ouvert il y a 29 ans de cela… Si aujourd’hui le maître verrier a pris sa retraite, l’artisan ne reste jamais bien loin des murs occupés désormais par Christophe, son fils. Le dauphin à qui il a tout appris. À qui il a tout transmis. A qui il a donné la même chance qu’Eloi Monod lui a offerte. Une histoire d’hommes d’abord. André et Marie, les parents du petit Daniel, oeuvrent pour l’ingénieur et céramiste qui a créé la Verrerie de Biot en 1956. Présents au quotidien pour garder les lieux mais également pour permettre à cet art de se développer – André deviendra « archer » (1) et contremaît­re –, ils voient leurs enfants grandir dans cette atmosphère particuliè­re. Dans ces odeurs ardentes, dans ces fumées luminescen­tes. Daniel et son frère Marcel suivent le chemin. Tracé par les éclats. À l’âge de 15 ans, le mentor débute l’apprentiss­age du gamin, toujours fourré dans le coin. À admirer les gars qui savent y faire. Alors, quand on lui a passé la canne, c’était décidé : il ne la lâcherait pas. Le p’tit devient apprenti, l’apprenti devient maître. Puis, le temps vient de quitter le nid. En 1989, tout est à faire. Surtout son rêve. Derrière les vitrines : le verre Saba naît. Celui qui fera la renommée du patronyme. Le tandem des frérots se sépare dix ans plus tard pour rayonner davantage sur les terres de leur enfance. Parce qu’il y a cette dimension inévitable, cet attachemen­t viscéral. Biot ou rien. C’est ainsi, c’est comme cela et ça ne pourra en être autrement. Y’a la fierté d’être d’aqui et de continuer à l’être. Y’a les racines qui ne font qu’un avec le sol. Suffit de reretourne­r une pièce sortant du four familial pour comprendre: «Fabriqué à Biot. » Aucun doute. Ça vient de la sueur de ceux qui ont l’audace de faire perdurer un métier jouant avec les caprices de la lumière. En enfant de la balle, Christophe vient tout naturellem­ent à marcher dans les traces foulées par son père – tout comme son cousin Didier. Service militaire en poche, il troque l’uniforme pour le bleu d’un travail requérant rigueur et humilité. « Tous les jours on continue d’apprendre », acquiescen­t père et fils mus par la facette artistique de leur domaine.

Preuve en est avec leur modèle signature – et déposé – créé par le patriarche : le verre à pied cannelé. « On est les seuls à le faire. Au début il n’y avait que huit coloris. Désormais nous en proposons vingt-deux », indique le fils en regardant les séries se dévoiler. Le clin d’oeil est là : « Ça, c’est le test par excellence. Si vous savez faire un verre de table, vous savez tout faire. Parce que c’est plus facile de réaliser une pièce unique. » Se renouveler sans trahir les fondamenta­ux, surprendre en sauvegarda­nt l’âme fondamenta­le. Et ce, malgré la conjonctur­e. Puisque si l’équipe de La Verrerie du Val de Pôme travaille « à60%avec des profession­nels », elle doit sans cesse alimenter le feu pour rester sous les projecteur­s. Une cadence et du coeur à l’ouvrage qui, à coup sûr, transpiren­t à travers les graciles courbes fondues. Une maestria sans répit qui vient à poser d’elle-même la question… Y aurat-il une troisième génération ? Christophe sourit : « Non, pas chez nous. Mon fils a choisi la coiffure. » Comme quoi, l’artisanat, ça coule de source chez les Saba !

Un métier jouant avec les caprices de la lumière ” Surprendre en sauvegarda­nt leur âme fondamenta­le”

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(Photos Eric Ottino et archives N.-M.) < Christophe et Daniel Saba, père et fils. = Daniel Saba,  ans, apprend le métier avec Eloi Monod. > Si son père est à la retraite, Christophe perpétue le savoir-faire familial dans l’atelier biotois. ? En pleine réalisatio­n de leur création...

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