Difficile combat de prévention
postez. » Les ados hochent mollement la tête. Lequel d’entre eux ne raconte pas déjà toute sa vie sur Instagram et Snapchat, les deux plateformes plébiscitées aujourd’hui? « On est là pour développer leur esprit critique. En terme de nouveautés, de technologies, on sera toujours en retard », admet Arnaud, qui est également membre de l’équipe mobile de sécurité. Le harcèlement est évoqué, bien sûr, à la fin de l’heure. La vidéo projetée laisse les adolescents silencieux. Se mettre à la place de l’autre, développer l’empathie, c’est la méthode que préconise Catherine Blaya. On la rencontre au dernier étage de l’ESPE de Nice (école supérieure du professorat et de l’éducation), entre deux réunions. C’est elle qui a introduit et adapté pour la France le programme québecois « Trait d’Union » pour lutter contre le décrochage scolaire. «Il faut travailler sur le climat scolaire. Créer un climat sécurisant où adultes et élèves se sentent respectés », appuie l’universitaire. Dans l’académie de Nice, cinq établissements, les collèges Rostand et Vernier à Nice, le collège Genevoix, le lycée professionnel Claret à Toulon et le collège Curie à La Seynesur-Mer, sont pilotes pour expérimenter le programme « ADHERE » (action contre le décrochage et le harcèlement, éducation et régulation par l’environnement) depuis la rentrée 2015. Parce que ces deux maux sont évidemment corrélés (25 % des jeunes déscolarisés le sont à cause du harcèlement) et qu’ils émergent souvent dans un contexte « bien particulier ». Le programme dure trois ans et se construit autour de deux axes : « On identifie les jeunes à risque de décrochage scolaire
‘‘ et on met en place un accompagnement personnalisé mensuel avec un tuteur. En parallèle, on travaille sur l’environnement. » Une évaluation est effectuée dans l’établissement à la rentrée. Pour renforcer le dialogue avec les adultes, des comités d’élèves sont créés (deux élèves par niveau de la 6e à la 3e). « Les élèves vont pouvoir porter leurs propres propositions. On ne fait que les accompagner », indique Catherine Blaya. Les collégiens se réunissent et réfléchissent sur leurs difficultés au sein de l’établissement, leur perception du décrochage scolaire. Des initiatives pour lutter contre le harcèlement sont remontées. « Un groupe d’élèves a, par exemple, proposé de parler des situations de harcèlement avec des élèves du même âge, sous la surveillance d’un adulte. » Et ailleurs? Des initiatives individuelles, émergent à l’échelle de l’établissement. Comme au collège Saint-Exupéry à Saint-Laurent-duVar. Une grande fresque surplombe la cour de récréation. Dessinée par les collégiens et accompagnée de quelques mots. Simples. Pour donner des ailes à la tolérance. « Prendre les gens comme ils sont. » Un adolescent à tee-shirt et mèche blonde nous aborde, sourire aux lèvres. « Vous pouvez nous prendre en photo ? » Comme on l’interroge sur la fresque il répond : « Il faut respecter l’autre, même s’il est différent. Pas se moquer quoi. » Puis repart discuter avec ses potes. Dans ce collège l’équipe pédagogique a décidé de travailler sur l’ambiance, le bien-être des collégiens pour mettre hors-jeu le harcèlement. En la jouant collectif. «On implique tous les élèves,on leur dit de nous prévenir s’ils pensent qu’un de leur camarade
‘‘ se sent mal, parce qu’il est embêté, explique JeanMarie Pommier, le chef d’établissement. Que ça ne fait pas d’eux des balances. » Juste des acteurs qui contribuent à entretenir un bon climat. « Les élèves doivent venir ici avec plaisir, sans boule au ventre, poursuit Mourad Ighzernali. Quels que soient les résultats scolaires, on veut qu’ils se sentent bien dans l’établissement. » Une phrase est inscrite au tableau, à chaque heure de vie de classe. « Chaque élève a le droit de travailler en toute sérénité et de se sentir en sécurité au sein de l’établissement. » Autre établissement, autre dispositif. Ainsi, à la Colle-sur-Loup, une expérience de « collégiens vigilants » doit être mise en place pour désamorcer les conflits. Depuis trois ans, à Nice, c’est une initiative de « médiation » par les écoliers et collégiens qui a été mise en place. Avec succès. Pauline Schreiber, médiatrice sociale en milieu scolaire à l’association Paje coordonne ce dispositif. A chaque rentrée, elle choisit une dizaine de médiateurs élèves. Du CE2 à la 3e. Après trois demi-journées de formation ludique et pratique sur la gestion des conflits, ils attaquent leur mission. « Ils sont 12 à l’école de la Digue des Français 2 et à l’école des Moulins et 10 au collège Jules Romains. C’est une veille, pour repérer des enfants qui s’isolent, ou se font prendre un goûter, insulter... Ils signalent les problèmes aux adultes. C’est un très bon outil pour détecter des cas de harcèlement. Dans une cour de récréation, on ne peut pas avoir les yeux partout, car les victimes ont souvent honte ou peur. Si elles n’osent pas aller parler aux adultes, elles se confient plus facilement au médiateur de leur âge. » Cette médiation par les élèves a amélioré le climat scolaire et permis de désamorcer des situations qui auraient pu basculer dans le harcèlement. Comme cette photo volée d’une collégienne, utilisée contre son gré sur les réseaux sociaux. « Elle était très affectée, en a parlé à la médiatrice, et nous avons ainsi pu régler rapidement le problème avant qu’il ne prenne de l’ampleur. »