Bien acheter…
Réduire la zone d’incertitude lors de l’examen d’une occasion demande de la rigueur. Des contrôles simples sont réalisables avant de solliciter un expert.
Faire appel à un expert maritime ?
La réponse est incontestablement oui. Les experts maritimes souvent membres d’un groupement professionnel sont la garantie d’une analyse précise de l’état d’un bateau d’occasion. Leurs compétences touchent tous les domaines, de la stratification à la métallurgie, la mécanique, l’électricité, les techniques de construction et surtout leur expérience leur permet de déceler un problème invisible au plaisancier commun. Ils savent où et quoi regarder. Un rapport complet conclut leur visite, qui fait foi devant les tribunaux, alors que paradoxalement la profession n’est pas reconnue juridiquement. A notre avis, un expert pourra intervenir en deuxième rideau, lorsque vous aurez été séduit par une première visite et qu’une confirmation technique s’impose, d’autant que les tarifs pratiqués, à partir de 60 euros le mètre linéaire, impactent le budget d’achat et sont à la charge de l’acheteur. Une remarque s’impose cependant : il n’y a pas de diplôme d’expert maritime, et tout un chacun peut se déclarer expert. Les professionnels sérieux sont pour la plupart issus du milieu maritime (marine de commerce, architectes, patrons de chantier naval), leur réputation et leur compétence se transmettent de bouche-à-oreille.
Comment vérifier l’état d’un moteur inbord ?
Pas de bateau à moteur sans moteur ! Cette évidence pour souligner qu’un moteur est le coeur d’un bateau, l’élément primordial, essentiel, qui doit concentrer toutes les attentions au moment de l’acquisition. Les acheteurs ne sont pas des mécaniciens professionnels et l’inspection d’un moteur ne peut être que visuelle, mais en dit déjà long sur le niveau d’entretien. L’état de propreté de la cale moteur est un bon indice : de l’eau, de l’huile, des saletés renseignent sur l’attention du propriétaire. Un coup d’oeil sur les silent-blocs pour vérifier leur intégrité, de même pour les courroies, les durits et les vannes. Il convient de vérifier les traces de rouille sur le bloc moteur et d’éventuelles traces de fuites des deux circuits de
refroidissement. La présence de joint bleu (une pâte bleue qui remplace les joints) est le signe d’une intervention. C’est à peu près tout ce qu’il est possible de contrôler, le reste appartient à l’expert et au résultat de l’essai en mer. Après ce premier examen, les propriétaires doivent vous montrer le carnet d’entretien où sont notées les dates et interventions réalisées par un mécanicien, ainsi que les factures correspondantes. Un bon entretien est celui qui respecte les préconisations du constructeur, quel que soit le nombre d’heures de fonctionnement. Très en vogue il y a quelques années, l’analyse d’huile moteur reste d’actualité et permet de relever la teneur des particules issues du moteur en fonctionnement et donc son niveau d’usure. Mais cette analyse se heurte à plusieurs obstacles, dont la date de la dernière vidange. Par ailleurs, avec les moteurs à gestion électronique, les logiciels de contrôle sont de redoutables espions aussi précis que l’analyse d’huile.
Quid des moteurs hors-bord?
Le grand boom du hors-bord fait que l’on va retrouver de plus en plus fréquemment des bateaux avec de fortes puissances sur le marché de l’occasion. Pour ces moteurs, le contrôle est plus simple et se résume à vérifier l’état extérieur de l’embase et de l’hélice pour déceler un choc ou de la corrosion, à contrôler le nombre d’heures et surtout le carnet d’entretien et les factures. Pour respecter les normes environnementales, tous les moteurs sont à gestion électronique, pilotés par un ordinateur, et seuls les spécialistes ayant les logiciels adaptés peuvent les dépanner, ce qui limite les
réparations sauvages et protège de fait nos mécaniques.
Inspecter l’état général des aménagements
L’état de l’intérieur est à suivre attentivement, plusieurs personnes ayant vécu à bord avec des habitudes différentes des vôtres. Par ailleurs, selon les chantiers, le niveau de construction est variable avec des matériaux qui vieillissent différemment selon les qualités employées. Donc l’état des planchers (rayures, usures, chocs), mais aussi les huisseries, dont la baie vitrée du cockpit, et les fermetures, dont celle des tiroirs à regarder précisément, tout comme l’état des selleries et des vaigrages. Un plaisancier averti contrôlera les fermetures des hublots et l’état des joints d’étanchéité avant de s’attarder sur la cuisine pour s’assurer de sa propreté et du bon fonctionnement des équipements, frigo, plaque de cuisson, four.
Vérification des éléments techniques
Comme une maison, un bateau est équipé d’un circuit électrique, d’un circuit d’eau et de sanitaires, avec la différence que tout est concentré, que ces circuits communiquent pour certains avec l’extérieur par l’intermédiaire de vannes. C’est le cas des pompes de
cales, des évacuations d’eaux grises et des sanitaires car, malgré la présence de cuves à eau noire, cellesci peuvent être vidangées au large. Cela fait donc beaucoup de tuyaux de vannes et de câbles à vérifier. L’inspection interne du tableau électrique permet de contrôler qu’aucun branchement sauvage n’a eu lieu ; ensuite chaque interrupteur actionné assure du bon fonctionnement de l’équipement correspondant : éclairage, pompes, eau sous pression, feux de navigation, électronique de navigation, cuisine, WC électriques.
Contrôler l’accastillage et l’équipement
Ce domaine hétéroclite rassemble tous les équipements qui facilitent la manoeuvre et la navigation, la sécurité passive et active, et quelques équipements de confort. La fixation des balcons et rambardes est un des points à vérifier, car elle est soumise régulièrement à de fortes tensions (on s’y maintient, on y accroche les défenses, parfois l’annexe). Un pied de balcon qui a du jeu compromet la sécurité des passagers, mais il est également source de fuites et d’infiltrations sournoises qui peuvent dégrader la structure et les aménagements. Le guindeau sera mis en route et inspecté, surtout les parties cachées comme le câblage, le relais et le disjoncteur. Chaumards et taquets d’amarrage doivent être solidement fixés. La passerelle, si elle est hydraulique, les bossoirs de l’annexe seront également contrôlés de même que l’équipement de sécurité et les dates de validité. Un coup d’oeil à la baille à mouillage n’est pas superflu pour s’assurer que la chaîne est en bon état.
L’électronique et les équipements optionnels
L’électronique qui comprend les traceurs multifonction, VHF, pilote automatique, radars, sondeur et AIS, si onéreux à l’achat, perdent de leur valeur après quelques années (3/5 ans) et n’entrent que pour une part
infime dans la valeur d’un bateau d’occasion, ce qui n’empêche pas d’exiger un bon état de fonctionnement. La clim est devenue un équipement courant, comme les propulseurs et les groupes électrogènes. L’entretien régulier de ces systèmes et appareils est aussi rigoureux et contraignant que celui d’un moteur et doit être justifié, factures à l’appui.
L’essai en mer? Indispensable !
Ces vérifications et contrôles une fois effectués, le temps de l’essai en mer est venu et, très honnêtement, cette sortie a comme but principal le bon fonctionnement des moteurs. Contrôle de l’eau de refroidissement à l’échappement, présence ou non de fumées, vérification des températures, le ou les moteurs prennent-ils leurs tours, les vitesses atteintes correspondent-elles à celles annoncées, etc. Cette sortie est aussi l’occasion de vérifier que les cadrans et divers indicateurs de l’état du moteur fonctionnent, et que la barre réagit normalement. La présence de l’expert à ce moment est recommandée.
Sortir le bateau, la dernière étape
Cette dernière étape est incontournable, pour vérifier l’état de la
carène et en premier lieu l’antifouling. Sera-t-il à refaire ou non (en général oui), y a-t-il plusieurs couches superposées et irrégulières à gratter... ? Cette inspection vise aussi à s’assurer qu’aucun choc ou réparation n’est intervenu sur la coque, que les hélices, les chaises d’arbre et les arbres sont intègres, et que les bagues hydrolubes n’ont pas de jeu, que les grilles de prises d’eau moteur ne sont pas obturées, et que les anodes apparaissent neuves ou peu usées. Un contrôle identique sera effectué sur les gouvernails.
Et les formalités administratives ?
Ça y est, l’expertise est satisfaisante et n’a rien révélé d’important. Le bateau correspond exactement à vos attentes, la transaction peut s’effectuer sereinement et les papiers signés sont échangés contre le montant convenu. Désormais propriétaire, il va falloir officialiser votre nouvelle acquisition auprès de l’administration et donc payer les droits correspondants. Attention cependant, depuis le 1 janvier 2019, plus aucun bateau atteignant sa onzième année ne bénéficiera de l’abattement pour vétusté en vigueur jusqu’à cette date, que ce soit pour le moteur ou pour la coque. Le marché de l’occasion devrait être impacté par cette mesure.