Moto Revue Classic

UN CHATO ET DES FEMMES

Le festival allemand de la Custom Culture fêtait cette année ses 10 ans. Un événement à part avec, en point d’orgue, des sprints décoiffant­s.

- Texte et photos : Laurent Scavone

Tu sors de l’autoroute où tu viens de faire du 220 km/h au nez et à la barbe des flics de Stuttgart et Glemseck te saute au visage. C’est un hameau entouré de collines métallique­s, tant les deux-roues et les quatre-roues ont envahi l’espace. Pêle-mêle, on trouve des barrières, des types aux épaules larges avec des gilets fluos qui vous placent, des meules de toutes les races qui dessinent un serpent d’acier sur des kilomètres, des barbus aux bides sponsorisé­s par Heineken, des mecs qui portent les cheveux en brosse, des hipsters en mode bûcheron, des types en veste en jeans remplis de patchs, des casques à pointes, des Allemands aux looks anglais, blousons noirs et rouflaquet­tes, des Luxembourg­eois en Harley XXL et Honda Goldwing, des Belges en sportives, des Italiens en italiennes, des Français en BMW Scrambler, des femmes aux guidons de brèles indomptabl­es et l’homme à abattre, Sébastien Lorentz et son Sprintbeem­er, vainqueur du titre en 2014 et dont la tête est mise à prix et à l’origine du match France/allemagne. Car ce que tout le monde attend dans ce rassemblem­ent qui fête cette année sa dixième édition, ce sont les épreuves de sprint. Y a pas plus simple : une ligne droite et deux motos. La première arrivée a gagné. Au milieu de ces milliers de bikers, de saucisses et de carbus de 24, se démarque une silhouette de cuir noir avec, non pas un aigle dans le dos, mais son nom ! Un blaze qui claque comme une marque de vodka, qui sonne comme un patronyme de champion et que vous n’êtes pas près d’oublier : Chatokhine ! Toute la scène néo-custom est très représenté­e, les meilleurs pilotes et les meilleures motos du moment sont au taquet mais pourtant, Frank (c’est son prénom) avec son intégral à damier, sa visière fumée et son cuir dans le même style, en impose tellement que le capteur de mon appareil photo ne voit rien d’autre que lui.

J’aime les filles... surtout sur une moto

« J’suis pas là pour gagner, on m’a filé une meule que j’ai pas essayée, je viens juste pour brûler du pneu ! » , lance-t-il à qui veut l’entendre. La messe est dite. Glemseck ce sera avec lui mais pas pour lui. Je traverse la foule en direction de la piste, les gradins sont bondés, les photograph­es aux aguets et les sponsors surexcités. Les courses et les catégories s’enchaînent, la foule est acquise aux Allemands, sauf lorsque Frank décolle. Il assure le spectacle en parcourant les 200 mètres sur la roue arrière. C’est un parti pris mais c’est aussi le seul moyen pour lui de contenir la puissance de la Kawasaki Z1000 R SLS. Il gagne pourtant une manche mais finit par s’incliner d’une demi roue… arrière, bien sûr ! J’ai pas eu le temps de ranger mon appareil photo car plus que Chatokhine, j’aime les filles ! J’aime les filles comme dans la chanson de Dutronc mais je les aime davantage sur une moto. Les filles à moto, c’est comme les infirmière­s mais

« J’SUIS PAS LÀ POUR GAGNER, JE VIENS

JUSTE POUR BRÛLER DU PNEU ! »

en plus rock’n roll. Les voir enjamber des monstres de métal hurlant m’inspire. Mais à Glemseck, la représenta­tion féminine ne portait pas seulement sur des considérat­ions sexistes ou physiques, bien au contraire. Les filles qui roulent ici font jeu égal avec les meilleurs pilotes. La poignée dans le coin, la roue avant qui taquine les nuages, moi je dis respect. Parmi elles, on trouvait de vraies pilotes comme Maria Costello, anglaise, qui court au TT, Nina Prinz, allemande qui participe au championna­t du monde d’endurance, ou encore, Katja Poensgen, allemande aussi, ancienne pilote de Grands Prix moto catégorie 250 cm³. Les « amatrices » se nommaient Cäthe Plätgen, une franco-allemande qui court sur une Kawasaki W650, Valeria Boras, espagnole, sur Triumph Bonneville T120R de 1969, Laurence Chatokhine, soeurette de Frank sur une Ducati Panigale ou encore Rénia Sellin, franco-polonaise, sur Triumph Bonneville T110. Elles se sont classées, elles ont gagné pour certaines mais plus que la victoire, c’est le nombre de participan­tes qui étonne dans un milieu d’hommes jusqu’ici fermé aux femmes. Depuis quelques années, la moto fait sa révolution. C’est peut-être grâce à la vague du « vintage » que ce monde jouit aujourd’hui d’une image plus cool et plus accessible. Vous savez quoi, me faire taxer par une fille de ce niveau, ça ne me dérange pas du tout !

DEPUIS QUELQUES ANNÉES, LA MOTO FAIT SA RÉVOLUTION. ELLE JOUIT D’UNE IMAGE PLUS COOL...

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