DAN TRUC’S MOOD
IL Y A TRENTE ANS
Patrick Tran Duc nous parle de ses premiers tours de roue en Afamac avec sa BSA mono.
Une chose est certaine, le meilleur moyen d’honorer une belle pétoire d’antan et d’exalter sa passion pour la mécanique ancienne, c’est de l’amener sur une piste de vitesse. Bien entendu, depuis la création de l’afamac, le premier trophée pour motos anciennes de vitesse, de l’eau a coulé sous les ponts et de nombreuses bielles sont passées à travers les carters et bon nombre de machines rares et (ou) chères, jugées trop difficiles à entretenir et surtout trop précieuses pour risquer un mauvais coup sur un circuit, ont disparu des grilles de départ. Et les japonaises, exclues dans les premiers temps par le règlement technique de l’afamac, y ont finalement fait leur apparition, au grand dam de quelques rares grincheux mais pour le plus grand bonheur des passionnés pas forcément milliardaires… Donc, quand une bande de joyeux drilles a décidé de créer en 1979 ce rassemblement de passionnés accros aux pétoires et side-cars sortis avant 1962, on retrouva pêle-mêle de vraies motos de course mais également une flopée de bécanes de route transformées. Avec un peu de retard à l’allumage, je me suis mis en quête d’une moto apte à concourir en Afamac et en 1981, alors que je traînais mes guêtres chez Brookland’s, un petit bouclard blotti au fond d’une cour boulevard de la Villette (Paris 19e), je suis tombé sur une petite moto coincée entre deux Triumph Speedtwin au fond de l’atelier. J’ai alors appris à la fois l’existence d’une catégorie « avant-guerre » en Afamac, mais aussi que cette moto, une 500 BSA Empire Star de 1938, serait l’arme absolue pour rouler dans cette catégorie où les participants ne se marchaient pas sur les pieds et dont il serait opportun de gonfler les effectifs. Marco Raymondin, un des maîtres des lieux, m’a révélé que la BSA avait d’abord appartenu à Richard Haas, un Américain établi depuis des siècles en France (et qui court toujours au guidon d’une belle Trident) puis à Harald Ludwig, le maquettiste de Moto Journal, avant d’échouer là en dépôt-vente et en attendant son prince charmant… Je suis alors devenu propriétaire de la BSA et d’un vademecum du parfait pilote d’anglaise antique. Raymondin m’a d’abord expliqué que le premier rapport type side-car et donc très court, avait été verrouillé et que je ne disposais que de trois vitesses, ce qui était, selon lui, tout à fait suffisant. Il m’a ensuite conseillé, dès que le berlingue était en marche, d’ouvrir le bouchon du réservoir d’huile et d’obturer durant une bonne dizaine de secondes le tuyau de retour avec le doigt afin de faire remonter le lubrifiant vers les soupapes et enfin, pour des raisons de survie, de serrer à bloc l’amortisseur de direction à friction sur les circuits bosselés, because la fourche à parallélogramme. J’ai conservé cette moto durant plusieurs années, c’est avec elle que je me suis retrouvé dans une catégorie tellement maigrelette qu’on a fini par l’intégrer dans la classe « modernes », peuplée de Triumph T110 et T120, Norton 88SS, Veloce Thruxton ou 350 Ducati tapées jusqu’à l’os qui nous mettaient presque un tour à tous les voyages. Enfin pas à tout le monde, le balaise moustachu Jean-luc Delchet taxait pas mal de « récentes » avec sa 500 Triumph 5T de 1939 ! Avec la BSA, j’ai participé à une bonne vingtaine de courses, dont un match américano-européen sur un circuit anglais paumé dans la cambrousse : nous étions six Français, quelques Ricains égarés par là, des Italiens, plus de 300 solos et side-cars en tout, et trois jours sous une pluie battante qui n’empêchait pas les rosbifs d’attaquer comme des malades avec des antiquités parfois moches et en apparence mal entretenues, mais bigrement rapides ! Mon idylle avec la BSA a duré trois ans, j’ai fini par la vendre à un motard sympa de Sommières (30), j’espère qu’elle coule des jours heureux et plus calmes, là-bas dans le Sud mais je la regrette un peu, elle m’a appris pas mal de choses, à commencer par l’humilité !
« MON IDYLLE AVEC LA BSA A DURÉ TROIS ANS (...)
ELLE M’A APPRIS PAS MAL DE CHOSES »