Moto Revue Classic

HAILWOOD, MON POTE !

Le pilote australien a eu la chance de côtoyer la légende anglaise lorsqu’elle préparait son grand retour. Il se confie.

- Propos recueillis par Alan Cathcart ( Photos archives Jim Scaysbrook)

C’ est suite à un concours de circonstan­ces que je suis devenu pote avec Mike Hailwood. Après s’être blessé à la jambe dans un crash au Nürburgrin­g, Mike avait laissé tomber la course automobile et avait déménagé en Nouvelle-zélande car il avait des parts dans Mac Laren Marine. En janvier 1977, je le vis pour la première fois lors d’un rassemblem­ent historique auto- moto à Amaroo Park en Australie, où il pilotait une Lotus F1 et une Norton 500 Manx exCarruthe­rs. J’avais quant à moi une AJS 7R équipée d’un moteur G50 réalésé en 630 cm3, si bien que je suis arrivé à battre Mike, ce que j’avais peine à croire ! Après ça, on a bu quelques bières et Mike, malgré son statut de superstar, était incroyable­ment abordable... On a participé à une seconde course d’anciennes à Bathurst quelques semaines plus tard et là, on est vraiment devenus copains, Mike dormant à la belle étoile avec moi et ma bande sur le bord du circuit. En Australie, il connaissai­t Owen Delanney, un homme qui avait des relations et était fan de courses. C’est de lui que vint l’idée de nous associer pour les 6 Heures Castrol qui allaient se dérouler en octobre cette année-là. Delanney avait aussi un portefeuil­le bien garni et c’est lui qui acheta une 900 SS flambant neuve avec l’un de ses amis qui tenait une casse, Moreparts ! Pourquoi une Ducati ? Certaineme­nt, une fois encore, grâce à une relation, Delanney habitant la même ville que l’importateu­r australien. Manque de bol, Mike, à cause de sa jambe, ne pouvait plus changer les vitesses avec le pied droit... On lui acheta aussi sec une 750 SS à carters carrés avec le sélecteur à gauche. Lui, ça l’amusait de participer à cette course, et tout le monde a facilité notre engagement. Le circuit d’amaroo étant petit, fun et très technique, la coupleuse Ducati y était à son aise, exception faite de son empattemen­t très long qui, lui, était plutôt un handicap. On a cherché à gagner en garde au sol en mettant un gros pneu à l’avant, mais la moto était devenue alors un vrai camion. Finalement, on s’est qualifié sans mal, puis on a pris le départ type Le Mans en dernière position, tous les autres équipages disposant d’un démarreur électrique. La foule était en délire, 15 000 motards s’étaient déplacés pour voir Mike courir. On a fini 6e de la course et 2e de la classe 750, ce qui nous convenait bien. Mike se sentait tellement rouillé et moi le crosseux, tellement novice... Je crois que c’est à partir de ce moment-là que Mike fut de nouveau piqué par le virus de la course. Il faut dire qu’il s’ennuyait un peu en NouvelleZé­lande – il n’était tout simplement pas fait pour vendre des bateaux – et l’europe aussi lui manquait sûrement. On décida alors de s’inscrire aux 3 Heures d’adélaïde en mars 1978, car je pense que Mike avait déjà en tête son come-back au TT au mois de juin suivant. Malheureus­ement, aux essais,

Castrol –, les pots d’origine étaient obligatoir­es. Alors que dans les courses de club Bemsee, on pouvait changer les Conti pour des pots Imola plus relevés, préparer un peu plus le moteur et surtout, échanger les combinés arrière pour des Girling disposant d’une tige de 13 pouces. Cette dernière modificati­on aidait un peu à résoudre le problème de la garde au sol, mais les échappemen­ts restaient quand même très près du bitume. Le hic, c’est que vous pouviez planter celui du cylindre avant dans les virages à droite, et celui de l’arrière à gauche ! Des deux côtés, c’est un peu l’angoisse, d’autant que les pneus Bridgeston­e BT45 Battlax avec lesquels la moto est chaussée aujourd’hui ont beaucoup plus de grip et l’on n’hésite plus à pencher la moto. J’entends le tube d’échappemen­t avant racler le bitume à l’entrée du gauche qui commande la grande ligne droite des stands. Calme-toi, Alan cette moto appartient à un musée ! C’est même la première pièce qui a permis la constituti­on du musée australien de la moto, fondé par David White. Ce dernier me confie : « Le musée a presque été créé par accident quand en 2006, cette machine est apparue sur le marché. Nous avions conscience qu’elle était particuliè­rement importante dans l’histoire de ce sport en Australie. C’est cette moto qui a déclenché le retour d’hailwood au TT ! Nous avons eu peur qu’elle quitte notre île et nous avons rassemblé les fonds nécessaire­s pour l’acheter. Depuis, nous avons agrandi la collection à 25 motos, qui ont toutes occupé une place importante en Australie, du cross à la piste, en passant par la Husqvarna d’enduro sur laquelle Stefan Merriman remporta le championna­t du monde d’enduro. »

Le TT de 1978 : le retour à la vie

La victoire d’hailwood au TT 1978 est considérée comme l’un des plus beaux faits d’armes de toute l’histoire du sport motocyclis­te. S’il faut oublier, comme beaucoup omettent de le mentionner, la 5e place décevante de l’édition 79, la préparatio­n dans l’hémisphère sud de Mike-the-bike vaut d’être racontée. À cette époque, le pilote anglais avait tout gagné à moto, raté sa reconversi­on dans le sport automobile avec un accident qui lui avait laissé des séquelles physiques irréversib­les. Embarqué par Mac Laren, après avoir usé leurs baquets, il opérait une improbable reconversi­on en Nouvelle-zélande en temps que « commercial » de luxe pour les bateaux de la marque. Dans ce contexte, on voit comment la compétitio­n fut pour lui une bouffée d’oxygène, grâce à laquelle il se fit à nouveau des copains, et participa à des courses peu connues. Mais c’est cette simplicité qu’il recherchai­t le plus. Son épopée australien­ne était bien loin d’un service course Honda, avec une bande de potes pour mécanos, emmenée par Neil Cummins de la casse Moreparts, et avec un seul train de pneus par week-end. Et si quelques sponsors locaux apportaien­t de l’argent, c’était pour mieux le dilapider dans les restaurant­s et les bars alentours. La vraie vie, quoi...

« C’EST CETTE MOTO QUI A DÉCLENCHÉ

LE RETOUR D’HAILWOOD AU TT ! »

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 ??  ?? j’ai détruit la moto, qui fut mal remontée par les mécanos : l’un des tubes de fourche n’avait pas d’huile du tout ! Au freinage, elle se bloquait carrément, ce qui n’empêcha pas Mike de se livrer à un duel épique avec Crosby, qui pilotait une Kawasaki...
j’ai détruit la moto, qui fut mal remontée par les mécanos : l’un des tubes de fourche n’avait pas d’huile du tout ! Au freinage, elle se bloquait carrément, ce qui n’empêcha pas Mike de se livrer à un duel épique avec Crosby, qui pilotait une Kawasaki...
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