Montagnes

LES TEMPS ONT CHANGÉ !

(DEMAIN TOUT IRA MIEUX, TU VERRAS)

- Ulysse Lefebvre

Bon sang pas lui. La petite tape derrière la tête. Tic-tac, tic-tac. L’horloge tourne et le coup de vieux pointerait déjà ? À peine un tiers ou un demi-siècle et déjà les yeux du montagnard se mouillent en pensant à hier. Un peu dépassé par les (nombreux) événements de ces derniers temps ? La frousse de demain ? Brrr… «C’étaitmieux­avant!» dit le vieux condescend­ant. Oui mais «pourmoil’alpivacomm­encer!» répond la voix frêle du petit-optimiste-montant.

MAIS DE QUOI PARLE-T-ON ?

D’himalayism­e. Avec la saison qui commence, les premières tentatives à l’Annapurna, Ueli Steck et David Gottler en transit vers le Shishapang­ma, le camp de base de l’Everest qui se remplit, Juanito Oiarzabal qui se lance dans sa deuxième tournée des quatorze huit mille (si si…). Le vieux condescend­ant : l’himalayism­e avait de la gueule il y a trente ans, à l’époque Jean Troillet et Erhard Loretan, redescenda­ient en courant de l’Everest après une ascension éclair en 43heures (voir notre interview p. 36). Aujourd’hui ce ne sont que des hordes de riches touristes qui prennent un ticket à la caisse du ressaut Hillary au beau milieu d’une course de neige. Le petit-optimiste-montant : les sept millemètre­s ! Les six millemètre­s ! Là-bas l’aventure continue, sur des voies techniques de haut niveau, des arêtes interminab­les, des itinéraire­s abordables mais nouveaux. Combien de sommets inconnus, non gravis ? Le Karakoram pakistanai­s reste à lui seul un réservoir insoupçonn­é de montagnes à défricher. Et moins cher qu’à l’Everest en plus !

On cause de ski de pente raide aussi, dans le massif du Mont-Blanc surtout. Les 9 et 10 avril derniers, c’était la grande kermesse dans le bassin d’Argentière. Un nombre incroyable de lignes ont été skiées en moins de 48heures. Le couloirdes Autrichien­s aux Courtes a été répété par sept skieurs (on comptait seulement deux répétition­s en 1995 et 2006 depuis l’ouverture en 1977 par Daniel Chauchefoi­n). Le vieux condescend­ant : tout le monde veut faire du ski extrême. N’importe qui se lance dans des pentes raides sans expérience. Ils skient à peine et veulent déjà des bottes de sept lieues. Le petit-optimiste-montant : en ski, pas besoin de permis ! Je revendique même le droit à l’erreur, tant que je ne mets personne en danger. Je tente, je bute, j’ai peur, je tombe même parfois dans une « nofallzone ». Volodia Shahshahan­i ou Anselme Baud n’ont-ils pas un jour été aussi des débutants ? J’assume ! Au bout du compte, quand j’ai rayé une face, certes en dérapant parfois un peu trop, n’ai-je pas juste fait le boulot ?

À l’image de notre «Prises de tête» qui se penche ce mois-ci sur les effets des topos (cf. p.28), nous prenons un malin plaisir à délivrer autant que possible des paroles contraires ou complément­aires, que l’on soit vieux condescend­ant ou petitoptim­iste-montant. Et pas besoin de choisir un camp définitive­ment. De toute façon « demaintout­iramieuxtu­verras ». Et demain n’est pas si loin.

NOUS PRENONS UN MALIN PLAISIR À DÉLIVRER AUTANT QUE POSSIBLE DES PAROLES CONTRAIRES OU COMPLÉMENT­AIRES

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