JÉRÔME PONCET, L’HOMME DES GLACES
Et nous voici, tous autant que nous sommes. Il y a Bernard le vieux bourlingueur, quelque peu lassé du frisson du risque mais jamais de celui de la découverte. Marlène, petit bout d’infirmière à qui quelques litres de thé suffisent pour carburer comme un avion de chasse et avaler goulûment la dénivelée. Alexis, skieur de première force et grand pédagogue, est un véritable second technique pour Jean. Arnaud et Émilie conjuguent désormais au pluriel leur goût pour les expéditions lointaines et les weekends romantiques dans d’étroites goulottes ou d’humides bivouacs. Et Franck, ingénieur en hydraulique maritime à… Grenoble, qui découvre enfin cette grande houle qu’il ne fait que calculer sur son ordinateur.
LES LOIS DE LA MER
Plus encore que dans nos vallées alpines, ou même dans les lointains massifs des Andes ou des Himalaya, de nombreux facteurs doivent se conjuguer pour permettre la réussite d’une ascension. Car aux impératifs de la montagne se greffent les lois de la mer. Chaque jour, nous cherchons un objectif, nous aidant de l’expérience de Jérôme, des cartes à grande échelle du British Antarctic Survey, des informations glanées çà et là, mais surtout de nos jumelles. Une mine altière, un nom évocateur (pic Lumière, mont Scott…), une histoire riche rehaussent l’intérêt. L’itinéraire fait ensuite l’objet d’un examen approfondi : les dangers objectifs sont omniprésents, et plus d’une fois il faut renoncer au dernier moment lorsque se dévoile une lame de glace par trop décollée à l’aplomb d’un passage obligé. Mais à ces considérations somme toute classiques, il faut ajouter l’incertaine recherche d’une rampe d’accès au plateau glaciaire le long d’un rivage constitué quasi exclusivement d’ice- cliffs vêlant à intervalles irréguliers des tombereaux de glace, et enfin la nécessité pour Jérôme de pouvoir mener le Golden Fleece suffisamment près pour permettre le débarquement. Du reste, comment différencier marins et montagnards au petit matin dans la timonerie ? Surtout, ne l’appelez pas « Pape des glaces », surnom dont les Anglais l’ont affublé. Jérôme n’a que faire des titres et flatteries. Dans le milieu des circumnavigateurs, point besoin de le présenter depuis son légendaire tour du monde à bord de Damien, au début des années 1970. Du Spitzberg au cercle polaire austral en passant par la remontée de l’Amazone, quatre ans d’aventures à bord d’un petit cotre construit avec son copain Gérard Janichon. Et un coup de foudre pour les glaces. Près de quatre décennies qu’il s’est installé aux Malouines à élever des moutons et, chaque été, à parcourir les chenaux de la péninsule. Alors forcément, personne ne connaît les lieux et la faune mieux que lui.
Débarquement sur l’île Lahille, à l’attaque de la première ascension du
Golden Fleece Peak.