HÉLICES ATTENTION DANGER...
Il y a quelque temps, sur le terrain de mon club, a sévi une épidémie de ruptures de pales d’hélice. Le mal a frappé des remorqueurs de planeurs équipés de moteurs thermiques de plus de 30 cm3. Il n’est sans doute pas inutile de parler dans ces colonnes d
Ces ruptures de pales sont bien sûr dangereuses pour les personnes présentes sur le terrain : nous avons un exemple de rupture au sol où la pale baladeuse a atterri à 65 mètres de son point de départ !
Une hélice est soumise à des contraintes mécaniques multiples et sévères : Efforts en flexion, en torsion et des contraintes vibratoires. Il y a aussi la force centrifuge : c’est elle qui propulse une pale quand elle casse. Un paramètre donne un aperçu des problèmes : la vitesse linéaire en bout de pale.
VITESSE EN BOUT DE PALE
Prenons un exemple : à combien « vole » le bout de pale d’une hélice de 22 pouces de diamètre, tournant à 9 000 tours/minute ? La formule est :
Vitesse en km/h = pi x diamètre (km) x régime de rotation (tr/min) x 60
Il faut tout d’abord convertir l e diamètre de l’hélice en unité métrique, un pouce faisant 2,54 cm. On a donc i ci ( 22 x 2,54)/100 000, soit 0,0005588 km (55,88 centimètres).
Le calcul donne 3,14116 x 0,0005588 x 9 000 x 60 = 947 kilomètres/heure.
À 8 000 tr/min, l a vitesse est de 842 km/h et à 7 000 tr/min, elle est de 737 km/h. Notez
qu’il s’agit de la vitesse linéaire, avion à l’arrêt. En vol, il faut ajouter l a composante de la vitesse relative de l’avion. De plus, en vol le régime maximum peut augmenter de 10 %, voire plus, par rapport au régime au sol, notamment dans l es piqués.
Graupner, dans l a notice qui accompagne toutes ses hélices, recommande de ne pas dépasser une vitesse périphérique de 180 m/s, soit 648 km/h. Pour calculer le régime correspondant à cette vitesse à ne pas dépasser, Graupner donne la formule suivante : régime (tr/minute) = 3 438 / diamètre (m).
Dans notre exemple (22 x 2,54 / 100 = 0,5588 mètre), on obtient 6 152 tr/min.
APC, f abricant américain d’hélices, indique aussi un régime maximum pour ses hélices avec la formule : régime (tr/min) = 190 000 / diamètre (pouces).
Si vous exprimez le diamètre en mètres, cela donne : régime (tr/min) = 190 000 x 2,54 / 100 x diamètre (m) = 4 826 / diamètre (m). Cela équivaut à une vitesse linéaire de 909 km/h. APC est plus « tolérant » que Graupner.
APC considère qu’une hélice de 22 pouces ne doit pas dépasser 8 636 tours/minute, contre 6 208 tr/min pour Graupner.
Graupner et APC commercialisent des hélices spécialement dévolues aux moteurs électriques, dont les pales sont nettement moins épaisses que l eurs homologues adaptées à la propulsion thermique. Cela permet d’optimiser l es performances. Mais il faut impérativement prohiber toute utilisation de ces hélices sur un moteur thermique. Un moteur thermique génère des vibrations considérables et des à-coups par rapport à un moteur électrique animé uniquement par un mouvement rotatif quasi « parfait ».
De plus, APC conseille pour ses hélices « électriques » fines de ne pas dépasser un régime donné par la formule : régime (tr/ min) = 145 000 / diamètre (pouces)
Pour les « slow flyers props » (les modèles indoors lents), APC indique 65 000 / diamètre (pouces).
ÉCLATEMENT
La matière qui constitue l es hélices « plastique » de Graupner et d’APC a une résistance mécanique très sensible à son hygrométrie (sa teneur en eau). Il est donc impératif d’éviter tout ce qui contribue au dessèchement de nos hélices « plastique » ou « nylon ». J’en ai fait l’expérience avec des hélices que j’avais laissées dans le coffre de ma voiture
durant un été. Dans une voiture en plein soleil, la température dépasse allègrement les 40 °C. Résultat : éclatement d’une pale en vol et mon avion, un racer, s’est cassé en deux au ras du couple moteur ! Après auscultation des hélices qui avaient subi un dessèchement accéléré, j’ai constaté qu’elles cassaient dès qu’elles subissaient un petit effort en flexion. Par prudence, je les ai toutes mises à la poubelle. Prenez l’habitude d’ausculter la surface des pales : si une petite striure transversale apparaît, « réformez » l’hélice.
Graupner conseille de mettre les hélices à tremper dans l’eau à température ambiante pendant plusieurs jours ou de les tremper dans l’eau bouillante durant une courte période.
Un autre facteur risque de générer des amorces de rupture : lorsque le bout des pales heurte le sol à l’atterrissage. Même si le moteur ne cale pas, mieux vaut les ausculter avec attention. Rappel : avec un train classique, il faut maintenir la profondeur plein cabré lors du taxiage, pour éviter de passer sur le nez. Avec les hélices en bois ou en fibre de carbone, il va de soi que toute fêlure ou fissure doit être sanctionnée par une mise à la poubelle.
Les aérodynamiciens ont observé qu’à partir de Mach 0,8 (vitesse de vol équivalente à 0,8 fois la vitesse de propagation du son) apparaissent des phénomènes aérodynamiques compliqués qui caractérisent le domaine trans-sonique (vitesse du son). Si l’extrémité des pales d’hélice pénètre dans ce domaine, il en résulte une dégradation notable des performances et des vibrations épouvantables. Pour une vitesse de propagation du son de 340 mètres/seconde, soit 1 224 km/h (la vitesse du son varie avec la température), Mach 0,8 est égal à 979 km/h. Pour retarder l’apparition de ces phénomènes (notion de nombre de Mach critique), les aérodynamiciens « dessinent » des hélices en forme de cimeterre.
ÉQUILIBRAGE : IMPÉRATIF !
L’équilibrage des pales est indispensable : une hélice non équilibrée génère des vibrations sévères susceptibles de perturber le fonctionnement du moteur et qui « fatiguent » l a cellule de l’avion, l a radio, l e moteur et l’hélice elle-même.
L’équilibrage des hélices « plastique » se fait par ponçage de l’extrados (autrement dit l a face avant convexe) de la pale la plus lourde. Ne touchez pas l’intrados des pales afin d’éviter la modification du calage. Je recommande les équilibreurs à support magnétique.
Attention aussi à l’adaptation de l’orifice central de l’hélice au diamètre du vilebrequin. Tout jeu est prohibé ! Un mauvais équilibrage et/ou un mauvais centrage peuvent provoquer des vibrations capables d’endommager une cellule.
L’ASPECT BRUIT
Le régime de rotation joue un rôle important dans le bruit émis par l’hélice. Il arrive que le bruit généré par l’hélice soit supérieur à celui du moteur seul, raison de plus pour éviter des régimes excessifs. Des bouts de pale qui flirtent avec le transsonique font un bruit épouvantable et, de plus, leur rendement est dégradé.
Sur les terrains, rares sont les modélistes utilisant un comptetours alors que cet accessoire est devenu peu onéreux : on en trouve d’excellents aux alentours de 30 euros. J’estime que c’est un outil aussi utile qu’un démarreur électrique et indispensable pour un le choix rationnel des hélices. L’hélice joue un rôle essentiel dans la performance du groupe motopropulseur.
SÉCURITÉ AVANT TOUT
Par expérience et suite à de nombreux tests comparatifs, la plupart des pilotes de racers considèrent que les hélices APC ont d’excellentes performances et supportent des régimes élevés (dans la mesure où elles conservent une teneur en eau correcte et qu’elles sont bien équilibrées).
Néanmoins, chaque fois que je démarre un moteur thermique, je me place le plus vite possible derrière l’hélice, en dehors du plan de rotation. Une pale qui « gicle » est potentiellement un redoutable poignard. Pensez aussi à éloigner les spectateurs mal placés. Un accident grave
guette ceux qui règlent le pointeau en restant devant l’hélice : un j our ou l’autre, le risque est de passer l a main dans son plan de rotation pour accéder directement au pointeau. J’ai eu écho de plusieurs cas, avec parfois l’amputation d’une ou plusieurs phalanges ! Ces malheureux modélistes étaient tellement focalisés par le réglage du pointeau qu’ils ont « oublié » l’hélice tournant. Prenez donc l’habitude de vous placer derrière le plan de rotation de l’hélice avant d’entamer un réglage.
Attention aussi au serrage de l’écrou de fixation de l’hélice, notamment avec les gros moteurs 4 temps qui « cognent » fort. Sur un « retour » au démarrage l’hélice peut partir vers l’avant, suite au desserrage de l’écrou.
À ceux qui aiment démarrer leur moteur à la main, je conseille d’ébavurer la tranche des pales. Suite à leur moulage, les hélices en plastique conservent une fine bavure qui coupe très bien. L’utilisation d’un gant en cuir épais est i mpérative, que l’ on démarre un petit ou un gros moteur. Un gros bâton rembourré avec de l a mousse conviendra également très bien. Je termine par un dernier « détail ». Le cône, lorsqu’il y en a un, ne doit pas être en contact avec les pieds de pales afin d’éviter une contrainte néfaste.
LE COIN DU DÉBUTANT
Chaque hélice, pour l’essentiel, est caractérisée par deux paramètres : son diamètre et son pas. Ainsi, sur chaque hélice, on trouve deux chiffres : le premier indique le diamètre et le second le pas, exprimés soit en pouces, soit en centimètres ou millimètres et parfois les deux unités. Ainsi, sur l es hélices APC ou l es Graupner en plastique, sur une pale il y a une indication en cm ou en mm, et sur l’autre en inches (les pouces).
Rappel : un pouce est équivalent à 25,4 mm, soit environ 2,5 cm.
Une 7x6 a un diamètre de 7 pouces et un pas de 6 pouces (soit un diamètre de 178 mm et un pas de 152 mm).
Le pas théorique est égal à l’avance de l’hélice lorsqu’elle accomplit un tour, comme si on la
« vissait » dans l’air. Donc, en multipliant le pas par le régime de rotation, on devrait obtenir l a vitesse de déplacement de l’hélice, donc celle de l’avion. En pratique, le pas réel est inférieur au pas théorique et dépend de l’adéquation de l’hélice avec l’avion et le moteur.
Exemple : une hélice 6,5x6,5 (pouces) entraînée par un moteur de 3,5 cm3 à plus de 24 000 tours/ minute propulse un racer Club 20 (environ 1 mètre d’envergure et 1,1 kg) à 240 km/h. La même hélice et le même moteur « tractent » un avion de début (environ 1,40 m d’envergure et 1,8 kg) à moins de 100 km/h. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’avion de début a une traînée aérodynamique (force de résistance au déplacement) nettement supérieure à celle du racer. Une 6,5x6,5 est totalement inadaptée à ce cas. L’hélice adaptée à l’avion de début aura un diamètre supérieur et un pas inférieur, 9x4 ou 10x4 pouces. Elle tournera à un régime nettement inférieur.
Quand vous essayez différentes hélices sur un moteur et un avion donnés, jouez sur le diamètre mais aussi sur le pas. Notez aussi que le rendement d’une hélice varie avec sa vitesse de déplacement, autrement dit avec la vitesse de l’avion. Un pas très élevé est synonyme de rendement médiocre à basse vitesse, et donne donc une accélération faible au décollage. C’est pour cela qu’ont été imaginées les hélices à calage variable. Si vous privilégiez les basses vitesses, optez plutôt pour un pas faible. Pour chaque ensemble moteur+ avion+hélice, il y a une vitesse à laquelle le rendement de l’hélice est optimal : au-dessus et en dessous, le rendement est inférieur.
En plus du compte-tours, je vous recommande l’utilisation de la télémesure qui depuis quelques années tend à se banaliser avec des prix raisonnables. Il existe d’excellents systèmes embarqués avec tube Pitot qui indiquent la vitesse relative (vitesse de déplacement par rapport à l’air, à distinguer de la vitesse par rapport au sol) et le régime moteur précisément et en temps réel. C’est un excellent moyen pour connaître le vrai rendement des hélices sur un avion donné, avec un moteur donné. Ainsi, il arrive qu’on découvre que l’hélice qui tourne le plus vite au sol n’est pas forcément la meilleure en vol, comme j’ai pu le constater sur mes racers.
EN CONCLUSION
Voilà, vous en savez maintenant un peu plus sur les précautions d’utilisation de nos hélices. Moyennant quelques principes faciles à suivre, le risque d’éclatement d’une hélice est infime : Bons vols !